Acte 2 de la loi Montagne, vers un acte manqué

13/10/2016

L'Assemblée nationale a débuté ce lundi en séance plénière l'examen du projet de loi "Montagne" : loin de permettre des avancées de fond pour ces territoires qui représentent 30% de la superficie métropolitaine, ce texte qui visait une meilleure adaptation des territoires de montagne aux nouveaux enjeux, est en fait une occasion ratée de préparer la montagne aux réels défis des années à venir. Élaboré rapidement et sans concertation avec nombre d'acteurs concernés, ce projet comprend certes quelques dispositions utiles pour avancer dans le règlement de questions difficiles identifiées depuis longtemps : régime social des saisonniers et pluriactifs employés dans les stations touristiques, logement de ces salariés, équipements de services publics et notamment télécommunications, etc. Mais il est en revanche quasiment muet sur les questions stratégiques majeures, elles aussi identifiées depuis longtemps : l'avenir des stations de sport d'hiver de basse et moyenne altitude menacées à court terme par le changement climatique (pour lesquelles les équipements en neige artificielle n'apportent qu'un palliatif de court terme, coûteux et à fort impact), l'équilibre économique d'une réelle diversification été-hiver face au recul de la fréquentation hivernale, la situation d'endettement de nombre de communes de montagne, les besoins de préservation d'un patrimoine naturel exceptionnel qui constitue la principale richesse des zones concernées. En bref, ce projet reste dans une vision de développement économique de court terme, sans permettre de faire face à des enjeux pourtant cruciaux. Le texte prétend à améliorer la gouvernance de la montagne mais, ironie du sort, pour son élaboration le Conseil national de la montagne n'a pas été consulté ! Macron en a rêvé, la loi "montagne"le fera !? C'est dans le domaine de l'aménagement et de la protection de l'environnement que les régressions sont les plus importantes. Après l'échec de la tentative de "simplification" par ordonnance des nouveaux programmes d'investissements touristiques en montagne, ce projet de loi organise la dilution quasi totale de l'outil "Unité Touristique Nouvelle" dans le droit commun de l'urbanisme. Sous couvert de "simplification", ce choix prive les parties concernées d'un outil précieux d'encadrement des aménagements et urbanisations excessifs des espaces montagnards. En dépit du bon sens, face aux enjeux du changement climatique et aux déséquilibres financiers auxquels sont confrontés de nombreuses stations de moyenne altitude, le texte de loi donne la possibilité, approuvée à ce stade des discussions, de réaliser d'importantes extensions des stations en discontinuité de l'existant, sans évaluation environnementale ni étude socio-économique dignes de ce nom, y compris dans des territoires où aucun document de planification urbaine n'a forcé les collectivités à réfléchir leur développement à long terme. Des nouvelles dispositions issues de la Commission des affaires économiques permettent la création de retenues d'eau : à rebours des Schémas Directeurs d'Aménagement et de Gestion des Eaux qui intègrent l'ensemble des bassins hydrologiques, elles dissocient l'amont de l'aval et menacent la continuité écologique des cours d'eaux et un usage équitable de la ressource. Le gouvernement, comme les commissions parlementaires, n'ont même pas saisi cette occasion pour intégrer quelques propositions associatives telles que la garantie du démontage d'installations obsolètes par les promoteurs (pourtant fort utiles pour les communes souvent démunies), la limitation des nuisances liées au développement de l'usage de loisirs aériens motorisés en montagne ou l'évaluation environnementale des projets touristiques. On regrettera également l'affaiblissement des dispositions prévoyant l'instauration des "zones de tranquillité" voulues par la Convention alpine : on perd là une belle occasion de mobiliser les territoires et les comités de massif autour de projets de tourisme durable, basés sur la mise en valeur du rapport de l'homme avec le milieu naturel de montagne. Il n'est toutefois pas encore trop tard pour se ressaisir, tant du côté de l'État que des parlementaires : l'intérêt général et la sauvegarde des espaces montagnards réclament d'autres ambitions et un autre équilibre entre les objectifs de protection et les projets d'aménagement de nos montagnes !

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