Master 2 "Droit de la Montagne" - UGA USMB

Corse/ Services publics en montagne/ Impôts

Conseil d’État N° 426092 ECLI:FR:CECHS:2019:426092.20191001 Inédit au recueil Lebon 8ème chambre M. Charles-Emmanuel Airy, rapporteur Mme Karin Ciavaldini, rapporteur public lecture du mardi 1 octobre 2019 REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS ________________________________________ Texte intégral Vu la procédure suivante : Par une ordonnance n° 1801264 du 4 décembre 2018, enregistrée le même jour au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d’Etat, le président du tribunal administratif de Bastia a transmis au Conseil d’Etat, sur le fondement de l’article R. 351-2 du code de justice administrative, une requête présentée par M. A… B…. Par cette requête, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Bastia le 29 novembre 2018, et par un mémoire en réplique, enregistré le 22 février 2019 au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d’Etat, M. B… demande au Conseil d’Etat d’annuler l’arrêté du 31 octobre 2018 par lequel le ministre de l’action et des comptes publics a réorganisé les postes comptables des services déconcentrés de la direction générale des finances publiques ou, à titre subsidiaire, l’article 3 de cet arrêté. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : – la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 ; – le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : – le rapport de M. Charles-Emmanuel Airy, auditeur, – les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteur public ; Considérant ce qui suit : 1. M. B…, contribuable résidant à Zalana (Haute-Corse), commune située, jusqu’au 1er janvier 2019, dans le ressort du poste comptable de Moïta, demande l’annulation de l’arrêté du 31 octobre 2018 par lequel le ministre de l’action et des comptes publics a réorganisé les postes comptables des services déconcentrés de la direction générale des finances publiques ou, à titre subsidiaire, de l’article 3 de cet arrêté, aux termes duquel :  » L’activité de recouvrement de l’impôt, actuellement assurée par le comptable de la trésorerie de Moïta, est transférée au comptable du service des impôts des particuliers et des entreprises de Corte (Haute-Corse) « . 2. Eu égard aux moyens qu’il soulève, M. B… doit être regardé comme demandant l’annulation du seul article 3 de cet arrêté, divisible de ses autres dispositions. 3. Aux termes de l’article 1er de la loi du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne, dans sa rédaction issue de la loi du 28 décembre 2016 de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne :  » La République française reconnaît la montagne comme un ensemble de territoires dont le développement équitable et durable constitue un objectif d’intérêt national en raison de leur rôle économique, social, environnemental, paysager, sanitaire et culturel. La montagne est source d’aménités patrimoniales, environnementales, économiques et sociétales. / Le développement équitable et durable de la montagne s’entend comme une dynamique de progrès initiée, portée et maîtrisée par les populations de montagne et appuyée par la collectivité nationale, dans une démarche d’auto-développement, qui doit permettre à ces territoires d’accéder à des niveaux et conditions de vie, de protection sociale et d’emploi comparables à ceux des autres régions et d’offrir à la société des services, produits, espaces et ressources naturelles de haute qualité. (…) / L’Etat, les collectivités territoriales et leurs groupements, dans le cadre de leurs compétences respectives, mettent en oeuvre des politiques publiques articulées au sein d’une politique nationale répondant aux spécificités du développement équitable et durable de la montagne, notamment (…) aux besoins des populations montagnardes permanentes et saisonnières (…). Dans le cadre de cette politique, l’action de l’Etat a, en particulier, pour finalités : / (…) 13° De réévaluer le niveau des services publics et des services au public en montagne et d’en assurer la pérennité, la qualité, l’accessibilité et la proximité, en tenant compte, notamment en matière d’organisation scolaire, d’offre de soins et de transports, des temps de parcours et des spécificités géographiques, démographiques et saisonnières des territoires de montagne ; (…) « . Aux termes de l’article 8 de cette même loi :  » Les dispositions de portée générale ainsi que les politiques publiques et les mesures prises pour leur application relatives, notamment, au numérique et à la téléphonie mobile, à la construction et à l’urbanisme, à l’éducation, à l’apprentissage et à la formation professionnelle, à la santé, aux transports, au développement économique, social et culturel, au développement touristique, à l’agriculture, à l’environnement ainsi qu’à la protection de la montagne sont, éventuellement après expérimentation, adaptées à la spécificité de la montagne ou à la situation particulière de chaque massif ou partie de massif « . Aux termes de l’article 8 bis de cette loi :  » Sans préjudice de la présente loi, et pour l’application et l’interprétation de celle-ci notamment, la spécificité de la Corse, territoire montagneux et insulaire présentant le caractère d' »île-montagne », par suite soumise à un cumul de contraintes, est prise en considération conformément à l’article 174 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. / L’Etat et la collectivité territoriale de Corse, en concertation avec les collectivités territoriales et établissements publics de l’île, veillent conjointement à la mise en oeuvre en Corse de l’article 8 de la présente loi « . 4. Il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport public de la Cour des comptes de 2018 produit par M. B…, que la direction générale des finances publiques a engagé une réorganisation de l’ensemble de son réseau de postes comptables. Elle vise, en premier lieu, à instituer des interlocuteurs fiscaux uniques, d’une part, pour les particuliers, d’autre part, pour les collectivités territoriales et établissements publics. En deuxième lieu, elle se fixe pour objectif d’améliorer le service rendu aux usagers par regroupement des compétences et suppression des postes dont les effectifs ne permettent plus d’assurer un service d’accueil physique continu et de qualité, tout en assurant une meilleure accessibilité du service par la dématérialisation et la diversification des canaux de contact avec les contribuables. En troisième lieu, elle a pour objet d’adapter le service public du recouvrement de l’impôt à l’évolution des besoins en matière de liquidation et de recouvrement de l’impôt. L’importance relative de la mission de recouvrement de l’impôt des personnes physiques sera, en particulier, appelée à décroître, compte tenu, du taux élevé de paiement par voie dématérialisée, de la mise en place du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu, et de la suppression de la taxe d’habitation pour 80% des contribuables, ces deux impositions donnant lieu à l’essentiel des demandes d’échelonnement de paiement et de remise gracieuse. 5. En application de ces orientations, qui ont conduit à une réévaluation du service public de l’impôt, dans son ensemble, en Corse, les activités de recouvrement des impôts des particuliers du poste comptable de Moïta ont été transférées par l’arrêté attaqué à Corte, quatrième agglomération de Haute-Corse, dans un objectif de meilleure qualité de service et de mutualisation avec celles de liquidation de l’impôt. 6. En premier lieu, il ressort des éléments avancés en défense par le ministre, qui ne sont contestés par le requérant que par des affirmations non assorties de justifications, que les contribuables relevant du poste comptable de Moïta et souhaitant s’adresser aux services fiscaux pour des questions relatives au recouvrement des impôts des particuliers peuvent, à défaut de se rendre au poste comptable de Corte, bénéficier d’un accueil téléphonique, faire usage des communications électroniques ou, au demeurant, être accueillis à Moïta, où la direction générale des finances publiques a maintenu, en dépit de la spécialisation de ce poste comptable dans les questions de gestion communale, des agents formés pour connaître de questions relatives au recouvrement des impôts des particuliers. 7. Il en découle, à supposer établies les allégations du requérant selon lesquelles le transfert à Corte des activités de recouvrement des impôts des particuliers du poste comptable de Moïta aurait pour effet d’allonger de manière importante le temps nécessaire pour se rendre en voiture au poste comptable compétent, que l’article 3 de l’arrêté attaqué ne saurait être regardé comme portant par lui-même atteinte à la pérennité, la qualité, l’accessibilité et la proximité du service public du recouvrement de l’impôt en Corse. Par suite, le moyen tiré de ce que l’arrêté attaqué méconnaitrait les dispositions de la loi du 9 janvier 1985 ne peut, en tout état de cause, qu’être écarté. 8. En second lieu, la seule circonstance que les contribuables de trois communes du ressort du poste comptable de Moïta n’auraient pas encore accès, à la date à laquelle a été pris l’arrêté attaqué, aux communications électroniques, ne suffit pas, compte tenu de l’existence et du maintien d’autres modes d’échange avec les services concernés ainsi qu’indiqué au point 6, à établir que les dispositions contestées auraient été prises en méconnaissance du principe d’égal accès des usagers au service public. 9. Il résulte de ce qui précède que M. B… n’est pas fondé à demander l’annulation de l’arrêté qu’il attaque. D E C I D E : ————– Article 1er : La requête de M. B… est rejetée. Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A… B… et au ministre de l’action et des comptes publics.

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