Master 2 "Droit de la Montagne" - UGA USMB
Destruction d’espèces protégées (bouquetins – RIP…)/ Juge des référés/ Contrôle poussé/ Possibilité de mesures moins radicales
27/02/2023, Master 2 "Droit de la Montagne" - UGA USMB
CAA de LYON, 3ème chambre, 15/02/2023, 21LY02822, Inédit au recueil Lebon
CAA de LYON – 3ème chambre
N° 21LY02822
Inédit au recueil Lebon
Lecture du mercredi 15 février 2023
Président
TALLEC
Rapporteur
Mme Sophie CORVELLEC
Rapporteur public
DELIANCOURT
Avocat(s)
MOREAU -NASSAR – HAN-KWAN
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
L’association One Voice a demandé au tribunal administratif de Grenoble :
1°) d’annuler l’arrêté du 3 mai 2019 par lequel le préfet de la Haute-Savoie a autorisé la capture et l’euthanasie de bouquetins séropositifs et a ordonné l’abattage de vingt bouquetins présents dans le massif du Bargy ;
2°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 2 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1904554 du 8 juillet 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 18 août 2021 et un mémoire enregistré le 15 novembre 2022, l’association One Voice, représentée par Me Moreau (SCP Moreau Nassar Han Kwan), avocate, puis par Me Thouy et Me Vidal, avocats, demande à la cour :
1°) d’annuler le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 8 juillet 2021 ;
2°) d’annuler l’arrêté du 3 mai 2019 par lequel le préfet de la Haute-Savoie a autorisé la capture et l’euthanasie de bouquetins séropositifs et a ordonné l’abattage de vingt bouquetins présents dans le massif du Bargy ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
– contrairement à ce qu’ont estimé les premiers juges, elle justifie d’un intérêt lui donnant qualité pour agir, dès lors qu’elle dispose d’un agrément au titre de l’article L. 141-1 du code de l’environnement et que l’arrêté litigieux soulève des questions excédant les seules circonstances locales ;
– aucune urgence ne justifie la décision litigieuse ;
– cette décision a été adoptée au terme d’une procédure irrégulière, le conseil national de la protection de la nature n’ayant pas été régulièrement consulté, en méconnaissance de l’article 3 de l’arrêté interministériel du 19 février 2007 ;
– cette décision a été adoptée au terme d’une procédure irrégulière, le préfet n’ayant pu tenir compte de la synthèse de la consultation du public préalablement réalisée ;
– cette décision méconnaît le 4° de l’article L. 411-2 du code de l’environnement, les trois conditions qu’il fixe n’étant pas réunies ;
– elle est contraire aux articles L. 110-1 et L. 110-2 du code de l’environnement et à l’article 6 de la charte de l’environnement, à défaut de concilier les intérêts environnementaux et économiques en cause et en méconnaissant le principe de non-régression.
Par un mémoire en défense enregistré le 24 octobre 2022, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.
Il expose que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 17 novembre 2022, la clôture de l’instruction a été fixée, en dernier lieu, au 6 décembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
– le code de l’environnement ;
– le code des relations entre le public et l’administration ;
– la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
– le décret n° 2014-1272 du 23 octobre 2014 ;
– l’arrêté du 19 février 2007 fixant les conditions de demande et d’instruction des dérogations définies au 4° de l’article L. 411-2 du code de l’environnement portant sur des espèces de faune et de flore sauvages protégées ;
– le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme Sophie Corvellec, première conseillère,
– les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public,
– et les observations de Me Vidal, avocat, représentant l’association One Voice ;
Considérant ce qui suit :
1. L’association One Voice relève appel du jugement du 8 juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté, comme irrecevable, sa demande tendant à l’annulation de l’arrêté du préfet de la Haute-Savoie du 3 mai 2019 autorisant, d’une part, la capture et l’euthanasie de bouquetins atteints de brucellose et ordonnant, d’autre part, l’abattage indifférencié de vingt bouquetins présents dans le massif du Bargy.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. D’une part, aux termes de l’article L. 141-1 du code de l’environnement : » Lorsqu’elles exercent leurs activités depuis au moins trois ans, les associations régulièrement déclarées et exerçant leurs activités statutaires dans le domaine de la protection de la nature et de la gestion de la faune sauvage, de l’amélioration du cadre de vie, de la protection de l’eau, de l’air, des sols, des sites et paysages, de l’urbanisme, ou ayant pour objet la lutte contre les pollutions et les nuisances et, d’une manière générale, œuvrant principalement pour la protection de l’environnement, peuvent faire l’objet d’un agrément motivé de l’autorité administrative. (…) Ces associations sont dites « associations agréées de protection de l’environnement » « . Selon l’article L. 142-1 du même code : » Toute association ayant pour objet la protection de la nature et de l’environnement peut engager des instances devant les juridictions administratives pour tout grief se rapportant à celle-ci. Toute association de protection de l’environnement agréée au titre de l’article L. 141-1 (…) justifient d’un intérêt pour agir contre toute décision administrative ayant un rapport direct avec leur objet et leurs activités statutaires et produisant des effets dommageables pour l’environnement sur tout ou partie du territoire pour lequel elles bénéficient de l’agrément dès lors que cette décision est intervenue après la date de leur agrément « .
3. D’autre part, aux termes de l’article L. 231-1 du code des relations entre le public et l’administration, reprenant, pour partie, le I de l’article 21 de la loi du 12 avril 2000 : » Le silence gardé pendant deux mois par l’administration sur une demande vaut décision d’acceptation « . L’article L. 231-6 du même code, reprenant pour partie le II de l’article 21 de la loi du 12 avril 2000, prévoit que : » Lorsque l’urgence ou la complexité de la procédure le justifie, un délai différent de ceux prévus aux articles L. 231-1 et L. 231-4 peut être fixé par décret en Conseil d’Etat « . L’article 1er du décret du 23 octobre 2014 relatif aux exceptions à l’application du délai de deux mois de naissance des décisions implicites d’acceptation sur le fondement du II de l’article 21 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations (ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie) dispose que : » En application du II de l’article 21 de la loi du 12 avril 2000 susvisée, et par exception à l’application du délai de deux mois prévu au premier alinéa de cet article, les délais à l’expiration desquels le silence gardé par l’administration sur une demande dont la liste figure à l’annexe du présent décret vaut décision d’acceptation sont mentionnés à la même annexe « . Les agréments des associations de protection de l’environnement prévus par l’article L. 141-1 du code de l’environnement figurent en annexe de ce décret, parmi les décisions acquises à l’expiration d’un délai de six mois.
4. Il ressort des pièces du dossier qu’en application de ces dispositions, un agrément a été implicitement accordé à l’association One Voice au titre de l’article L. 141-1 du code de l’environnement, au terme d’un silence de six mois conservé sur sa demande, soit à compter du 5 janvier 2019. Ayant notamment pour objet de » protéger et de défendre les animaux quelle que soit l’espèce à laquelle ils appartiennent » et de » lutter contre (…) toute forme de violence (…) physique » à leur encontre, l’association One Voice justifie dès lors, en vertu de cet agrément, d’un intérêt lui donnant qualité pour demander l’annulation de l’arrêté litigieux, qui autorise l’abattage de bouquetins des Alpes. Contrairement à ce qu’ont estimé les premiers juges, sa demande était ainsi recevable.
5. Il résulte de ce qui précède que l’association One Voice est fondée à soutenir que le jugement attaqué est irrégulier et qu’il doit être annulé.
6. Il y a lieu pour la cour de statuer, par la voie de l’évocation, sur les conclusions de l’association One Voice dirigées contre l’arrêté du préfet de la Haute-Savoie du 3 mai 2019.
Sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet de la Haute-Savoie :
7. Contrairement à ce que prétend le préfet de la Haute-Savoie, l’association One Voice établit, par l’extrait conforme qu’elle fournit, être inscrite depuis le 7 août 1997 au registre des associations du tribunal d’instance de Strasbourg. La fin de non-recevoir ainsi opposée manque en fait et ne peut qu’être écartée.
Sur les conclusions tendant à l’annulation de l’arrêté du préfet de la Haute-Savoie du 3 mai 2019 :
8. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le Conseil national de protection de la nature a été consulté, par courrier du 15 septembre 2017, sur une demande de dérogation tendant à la destruction d’environ trois cents bouquetins des Alpes, dans le massif du Bargy, pour des opérations se déroulant jusqu’à la fin de l’année 2019. Le conseil a rendu un avis favorable sur cette demande, le 21 septembre 2017. L’arrêté litigieux mettant en œuvre les opérations ainsi examinées, l’association One Voice n’est pas fondée à soutenir que le Conseil national de protection de la nature n’a pas été préalablement consulté.
9. En deuxième lieu, aux termes du quatrième alinéa du III de l’article L. 123-19-1 du code de l’environnement : » Le projet de décision ne peut être définitivement adopté avant l’expiration d’un délai permettant la prise en considération des observations et propositions déposées par le public et la rédaction d’une synthèse de ces observations et propositions. Sauf en cas d’absence d’observations et propositions, ce délai ne peut être inférieur à quatre jours à compter de la date de la clôture de la consultation (…) « .
10. Si l’arrêté litigieux a été adopté le même jour que la synthèse des observations du public, il ressort toutefois des pièces du dossier que cet arrêté a été adopté plus de quatre jours après la clôture de la consultation, en tenant compte de la synthèse des observations, qu’il vise et qui a justifié des modifications du projet d’arrêté. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit donc être écarté.
11. En troisième lieu, aux termes de l’article 6 de la Charte de l’environnement : » Les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable. A cet effet, elles concilient la protection et la mise en valeur de l’environnement, le développement économique et le progrès social « . Il résulte de ces dispositions qu’il appartient aux autorités compétentes de veiller à concilier, dans la conception des politiques publiques, la protection et la mise en valeur de l’environnement, le développement économique et le progrès social. A cet égard, le cadre de la politique de protection des espèces protégées a été défini par le législateur aux articles L. 411-1 et suivants du code de l’environnement. La légalité des décisions administratives prises dans ce cadre doit être appréciée au regard de ces dispositions. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe de conciliation consacré par l’article 6 de la Charte de l’environnement est inopérant.
12. En quatrième lieu, en adoptant les dispositions de l’article L. 411-2 du code de l’environnement précédemment rappelées, le législateur a entendu déroger à l’interdiction de destruction de certaines espèces protégées et de leurs habitats, posée par l’article L. 411-1 du même code, en précisant les conditions préalables à la délivrance d’une dérogation selon le motif invoqué. Ainsi, comme indiqué aux points 13 et 14 du présent arrêt, une dérogation ne peut être accordée que si elle répond à l’un des motifs limitativement énumérés à l’article L. 411-2 du code de l’environnement, s’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante et qu’elle ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle. Par ailleurs, cet article renvoie à un décret en Conseil d’Etat le soin de fixer les conditions, notamment procédurales, de l’octroi d’une telle dérogation ainsi que les modalités de contrôle et d’évaluation de leurs effets. Ce faisant, le législateur a établi un cadre législatif et réglementaire ayant précisément pour objet de permettre, au regard des données scientifiques les plus récentes et dans le respect des conditions strictes qu’il pose, qu’il soit porté atteinte à une espèce protégée sans que son état de conservation favorable dans son aire de répartition naturelle soit mise en cause. L’arrêté litigieux a été adopté en application de ces dispositions législatives et réglementaires. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance, par l’arrêté litigieux, des dispositions générales du 9° du II de l’article L. 110-1 du code de l’environnement posant le principe de non-régression de la protection de l’environnement doit, en tout état de cause, être écarté.
13. En cinquième lieu, aux termes de l’article L. 411-1 du code de l’environnement : » I. – Lorsqu’un intérêt scientifique particulier, le rôle essentiel dans l’écosystème ou les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation de sites d’intérêt géologique, d’habitats naturels, d’espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats, sont interdits : 1° La destruction ou l’enlèvement des œufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l’enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d’animaux de ces espèces ou, qu’ils soient vivants ou morts, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur détention, leur mise en vente, leur vente ou leur achat (…) « . L’article L. 411-2 du même code prévoit que : » I. – Un décret en Conseil d’Etat détermine les conditions dans lesquelles sont fixées : (…) 4° La délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l’article L. 411-1, à condition qu’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante, pouvant être évaluée par une tierce expertise menée, à la demande de l’autorité compétente, par un organisme extérieur choisi en accord avec elle, aux frais du pétitionnaire, et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle : (…) b) Pour prévenir des dommages importants notamment (…) à l’élevage, (…) ; c) Dans l’intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d’autres raisons impératives d’intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l’environnement (…) « .
14. Il résulte de l’article L. 411-1 et du I de l’article L. 411-2 du code de l’environnement que la destruction ou la perturbation des espèces animales concernées, ainsi que la destruction ou la dégradation de leurs habitats, sont interdites. Toutefois, l’autorité administrative peut déroger à ces interdictions dès lors que sont remplies trois conditions distinctes et cumulatives tenant d’une part, à l’absence de solution alternative satisfaisante, d’autre part, à la condition de ne pas nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle et, enfin, à la justification de la dérogation par l’un des cinq motifs limitativement énumérés.
15. A supposer même qu’ainsi que le soutient l’association One Voice, le préfet de la Haute-Savoie ait, à tort, qualifié les opérations ainsi autorisées d’urgentes, la légalité de la dérogation litigieuse n’est toutefois nullement subordonnée à une telle urgence. Par suite, ce motif étant surabondant, l’erreur d’appréciation invoquée n’est pas de nature à entacher d’illégalité l’arrêté litigieux.
16. En sixième lieu, par l’arrêté litigieux, le préfet de la Haute-Savoie a ordonné, d’une part, la capture de bouquetins des Alpes, espèce protégée au titre de l’article L. 411-1 du code de l’environnement, présents dans le massif du Bargy et l’euthanasie de ceux, parmi eux, testés positivement à la brucellose et, d’autre part, l’abattage sans dépistage préalable de bouquetins présents en cœur de zone, où le taux de prévalence de l’infection est le plus élevé, dans la limite de vingt individus indiscriminés et de cinquante individus au total. Il ressort des pièces du dossier que cette opération s’inscrit dans la continuité d’une série de mesures, engagées à compter de 2012, ayant pour objectif d’endiguer une épidémie de brucellose constatée parmi la population de bouquetins du massif du Bargy. Il est constant que cette maladie, classée dans le groupe III de risque biologique pour l’homme et l’animal, est susceptible d’être transmise à l’homme, par l’intermédiaire de cheptels domestiques, entrainant des lésions graves et invalidantes, parfois irréversibles et justifiant l’abattage complet du troupeau contaminé. Bien que ce risque de transmission ait été considéré comme » quasi-nul à minime « , la préservation de la santé publique et la nécessité de protéger les élevages de dommages importants peuvent justifier une dérogation à la protection des bouquetins des Alpes. Par ailleurs, eu égard à la population totale de bouquetins des Alpes recensée, dont l’aire de répartition naturelle ne se limite pas au seul massif du Bargy, il n’est pas établi que les prélèvements ainsi autorisés aient pour effet de remettre en cause le maintien de l’espèce dans son aire de répartition naturelle dans un état de conservation favorable.
17. En revanche, il ressort des pièces du dossier qu’à défaut de pouvoir envisager une éradication de l’épidémie à court terme, les mesures ordonnées tendent à diminuer le nombre d’animaux infectés, afin de limiter la probabilité de contact entre un individu infecté et des animaux domestiques et d’atteindre un niveau d’infection suffisamment bas pour permettre une extinction naturelle de l’épidémie. Dès lors, si une mesure d’élimination sélective, consistant à euthanasier les individus testés séropositifs, apparaît comme la plus à même de parvenir à l’objectif poursuivi, tel n’est pas le cas de l’abattage indiscriminé de bouquetins, sans dépistage préalable. Ainsi, comparant un premier scénario d' » abattage indiscriminé en cœur de zone et [d]’élimination sélective en zone périphérique » et un second d’ » élimination sélective dans le cœur de zone et de surveillance seule en périphérie « , l’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) a, dans son avis du 14 septembre 2017, estimé que ce second scénario permettait d’attendre des résultats identiques au premier, tout en préservant un plus grand nombre d’individus. Contrairement à ce que soutient le ministre en charge de l’environnement, ce constat n’est pas remis en cause par l’avis rendu par cette même instance le 30 novembre 2021, dont les conclusions sont reprises dans son bulletin épidémiologique n° 92 de 2021, aucun scénario comparable, reposant sur un nombre important de captures et d’éliminations sélectives en cœur de zone, ne figurant parmi les six scenarii que ce nouvel avis a pour objet de comparer. Enfin, si l’ANSES a précisé que le succès de ce second scénario suppose la mise en œuvre de moyens importants pour capturer un maximum d’animaux, le ministre en charge de l’environnement ne prétend pas que celui-ci ne serait pas raisonnablement réalisable. Dans ces conditions, et nonobstant l’avis favorable préalablement émis par le Conseil national de la protection de la nature, l’arrêté litigieux, en autorisant l’abattage indiscriminé de bouquetins sans dépistage préalable de leur infection par la brucellose, ne retient pas la solution la plus satisfaisante pour atteindre les objectifs qu’il poursuit tout en préservant cette espèce protégée.
18. Il résulte de ce qui précède que l’association One Voice est seulement fondée à demander l’annulation de l’arrêté du préfet de la Haute-Savoie du 3 mai 2019 en ce qu’il autorise, en son article 3, l’abattage indiscriminé de bouquetins des Alpes sans dépistage préalable de leur infection par la brucellose.
Sur les frais liés au litige :
19. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat le versement de la somme de 1 500 euros à l’association One Voice, en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 8 juillet 2021 est annulé.
Article 2 : L’arrêté du préfet de la Haute-Savoie du 3 mai 2019 est annulé en ce qu’il autorise, en son article 3, l’abattage indiscriminé de bouquetins des Alpes sans dépistage préalable de leur infection par la brucellose.
Article 3 : L’Etat versera à l’association One Voice la somme de 1 500 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l’association One Voice et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.