Master 2 "Droit de la Montagne" - UGA USMB
Exploitant de domaine skiable/ Responsabilité pénale/ Nécessité d’identifier l’organe ou le représentant
27/02/2023, Master 2 "Droit de la Montagne" - UGA USMB
Cour de cassation – Chambre criminelle
N° de pourvoi : 22-81.901
ECLI:FR:CCASS:2023:CR00175
Non publié au bulletin
Solution : Cassation
Audience publique du mardi 14 février 2023
Décision attaquée : Cour d’appel de Chambéry, du 09 mars 2022
Président
Bonnal (président)
Avocat(s)
SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :
N° C 22-81.901 F-D
N° 00175
ECF
14 FÉVRIER 2023
CASSATION
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 14 FÉVRIER 2023
La [2] a formé un pourvoi contre l’arrêt de la cour d’appel de Chambéry, chambre correctionnelle, en date du 9 mars 2022, qui, pour contravention de blessures involontaires, l’a condamnée à 1 500 euros d’amende avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Sottet, conseiller, les observations de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de la [2], et les conclusions de M. Aubert, avocat général référendaire, après débats en l’audience publique du 17 janvier 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Sottet, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. [P] [D], âgé de 14 ans, qui pratiquait le ski à la station de La Plagne, a été blessé en heurtant le boîtier métallique d’un canon à neige situé en bord de piste et a subi une incapacité totale de travail de trois mois.
3. La [2] ([1]) a été poursuivie devant le tribunal de police, du chef de blessures involontaires.
4. Le juge du premier degré l’a déclarée coupable du chef susmentionné, l’a condamnée à 1 500 euros d’amende avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils.
5. La [1] et le ministère public ont relevé appel de cette décision.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa seconde branche
6. Le grief n’est pas de nature à permettre l’admission du pourvoi au sens de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
7. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a déclaré la [1] coupable de blessures involontaires, alors :
« 1°/ que lorsqu’ils constatent la matérialité d’une infraction non-intentionnelle susceptible d’être imputée à une personne morale, il appartient aux juges d’identifier, au besoin en ordonnant un supplément d’information, celui des organes ou représentants de cette personne dont la faute, commise dans les conditions prévues au deuxième ou au troisième alinéa de l’article 121-3 du code pénal, est à l’origine du dommage ; qu’en l’espèce, pour déclarer la [1] coupable des faits de blessures involontaires avec incapacité inférieure ou égale à trois mois sur le fondement des articles 121-2 et 121-3 du code pénal, la cour d’appel s’est bornée à juger qu’« il appartenait à l’exploitant des pistes de ski de mettre en oeuvre des moyens d’éviter que les chutes aient des conséquences graves sur les usagers », que « le service des pistes aurait dû mettre en place des « dispositifs de protection pour limiter les dommages corporels consécutifs à un éventuel accident », que « la [1] aurait dû en effet, en donnant les consignes à ses salariés qui agissent dans le cadre de la mission dévolue à la personne morale, vérifier l’absence de danger et mettre en oeuvre des mesures de protection de cet obstacle adéquates » et qu’« il appartenait à la personne morale (et à ses représentants) et pour elle, à ses salariés en charge de la sécurisation des pistes, de vérifier que toutes les protections de sécurité avaient été mises en place, les responsables de la sécurité des pistes et pisteurs agissant pour le compte de cette société d’exploitation des pistes » ; qu’en s’abstenant de rechercher par l’intermédiaire de quelle personne physique, organe ou représentant ayant le pouvoir de direction de la [1] l’infraction reprochée à cette société avait été commise pour son compte, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des textes ci-dessus. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 121-2 du code pénal et 593 du code de procédure pénale :
8. Selon le premier de ces textes, les personnes morales, à l’exception de l’Etat, sont responsables pénalement des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants.
9. Selon le second, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
10. Pour déclarer la [1] coupable de blessures involontaires, l’arrêt attaqué se borne à imputer la contravention à la personne morale et à son représentant légal, sans autre précision.
11. En prononçant ainsi, la cour d’appel, qui n’a pas identifié l’organe ou le représentant de la personne morale auquel étaient imputables les manquements constatés, n’a pas justifié sa décision.
12. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt susvisé de la cour d’appel de Chambéry, en date du 9 mars 2022, et pour qu’il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d’appel de Chambéry, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d’appel de Chambéry et sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze février deux mille vingt-trois.