Master 2 "Droit de la Montagne" - UGA USMB
ICHN – Motifs de refus
19/05/2023, Master 2 "Droit de la Montagne" - UGA USMB
CAA de MARSEILLE – 5ème chambre
N° 22MA00715
Inédit au recueil Lebon
Lecture du mercredi 03 mai 2023
Président
Mme VINCENT
Rapporteur
Mme Claire BALARESQUE
Rapporteur public
PECCHIOLI
Avocat(s)
COLMANT
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B… a demandé au tribunal administratif de Marseille d’annuler la décision du 19 décembre 2019 par laquelle la cheffe du service agriculture et espaces ruraux au sein de la Direction départementale des territoires (DDT) des Hautes-Alpes a rejeté sa demande d’octroi de l’indemnité compensatrice des handicaps naturels (ICHN) au titre de l’année 2019.
Par un jugement n°2001536 du 6 janvier 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 26 février 2022, Mme A… B…, représentée par Me Colmant, demande à la Cour :
1°) d’annuler le jugement du 6 janvier 2022 ;
2°) d’annuler la décision du 19 décembre 2019 ;
3°) de la rétablir dans ses droits ;
4°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
– contrairement à ce qu’a jugé le tribunal, la décision contestée a été prise en application d’une instruction technique du 10 juillet 2019 ;
– elle est fondée à exciper de l’illégalité de cette instruction, qui fixe une condition nouvelle à l’octroi de l’ICHN, en prévoyant que la date de référence pour apprécier l’âge des animaux déclarés est celle du 15 mai 2019 et qui ne pouvait légalement s’appliquer de façon rétroactive à la campagne 2019 ;
– l’arrêté du 1er août 2016, seul applicable à la demande d’aide présentée au titre de la campagne 2019, ne prévoit pas pour date de référence celle du 15 mai 2019 mais celle du 31 mars de l’année considérée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 décembre 2022, la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, représentée par l’AARPI Baron, D…, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme B… la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que la requête n’est pas fondée par les moyens qu’elle soulève.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 février 2023, le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire conclut au rejet de la requête.
Il soutient que la requête n’est pas fondée par les moyens qu’elle soulève.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
– le règlement délégué (UE) n°640/2014 de la Commission du 11 mars 2014 complétant le règlement (UE) no 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne le système intégré de gestion et de contrôle, les conditions relatives au refus ou au retrait des paiements et les sanctions administratives applicables aux paiements directs, au soutien au développement rural et à la conditionnalité ;
– le code rural et de la pêche maritime ;
– le décret n° 2016-1050 du 1er août 2016 ;
– l’arrêté du 9 octobre 2015 relatif aux modalités d’application concernant le système intégré de gestion et de contrôle, l’admissibilité des surfaces au régime de paiement de base et l’agriculteur actif dans le cadre de la politique agricole commune à compter de la campagne 2015 ;
– l’arrêté du 1er août 2016 pris en application du décret n° 2016-1050 du 1er août 2016 et modifiant l’arrêté du 9 octobre 2015 ;
– le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné Mme Vincent, présidente assesseure de la 5ème chambre, pour présider, en application de l’article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Après avoir entendu en audience publique :
– le rapport de Mme C…,
– et les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A… B…, éleveuse de chèvres et d’équidés sur le territoire de la commune de Lazer (Hautes-Alpes) est bénéficiaire, depuis 2008, des aides directes de la politique agricole commune (PAC) et en particulier de l’indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN). En l’absence de paiement intervenu à la suite de sa demande déposée le 15 mai 2019, l’intéressée s’est rapprochée des services de la direction départementale des territoires (DDT) des Hautes-Alpes qui l’ont informée qu’elle n’était pas éligible à l’ICHN » animale « , faute de disposer de trois unités de gros bétail (UGB) au 15 mai 2019. Par un courrier du 8 décembre 2019, Mme B… a sollicité la modification de sa déclaration, par la substitution de l’équidé non éligible par un autre équin de son exploitation. Par une décision du 19 décembre 2019, la cheffe du service agriculture et espaces ruraux au sein de la Direction départementale des territoires (DDT) des Hautes-Alpes a rejeté sa demande d’octroi de l’ICHN, au motif que la demande de modification de sa déclaration était tardive et que le nombre d’animaux éligibles était, en conséquence, insuffisant pour prétendre au bénéfice de l’ICHN au titre de l’année 2019. Mme B… relève appel du jugement du 6 janvier 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision du 19 décembre 2019.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la date limite de dépôt de la demande de modification :
2. Aux termes de l’article 13 du règlement délégué (UE) n°640/2014 : » (…) le dépôt d’une demande d’aide ou d’une demande de paiement au titre du présent règlement après la date limite pour ledit dépôt (…) entraîne une réduction de 1 % par jour ouvrable des montants auxquels le bénéficiaire aurait eu droit si la demande d’aide ou de paiement avait été déposée dans le délai imparti. (…) Si ce retard équivaut à plus de 25 jours civils, la demande d’aide ou de paiement est considérée comme non admissible et aucune aide ou soutien n’est accordé au bénéficiaire. (…) / Les modifications relatives à la demande unique ou à la demande de paiement ne sont recevables que jusqu’à la dernière date possible pour le dépôt tardif de la demande unique ou de la demande de paiement (…). » Aux termes de l’article 12 de ce règlement : » (…) lorsque la date limite pour le dépôt d’une demande d’aide, d’une demande de soutien, d’une demande de paiement ou d’autres déclarations, ou de tout document justificatif ou contrat, ou lorsque la date limite fixée pour l’introduction de modifications de la demande unique ou de la demande de paiement correspond à un jour férié, un samedi ou un dimanche, celle-ci est reportée au premier jour ouvrable suivant. (…) « . Aux termes de l’article 4 de l’arrêté du 9 octobre 2015 relatif aux modalités d’application concernant le système intégré de gestion et de contrôle, l’admissibilité des surfaces au régime de paiement de base et l’agriculteur actif dans le cadre de la politique agricole commune à compter de la campagne 2015 : » La date limite de dépôt à laquelle la demande d’attribution de droits au paiement ou d’augmentation de la valeur des droits au paiement au titre du régime de paiement de base doit être parvenue à la direction départementale chargée de l’agriculture du département dans lequel se situe le siège de l’exploitation est fixée (…) au 15 mai pour les campagnes 2018 et postérieures. (…) « .
3. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que la date limite pour modifier une demande d’aide au titre de la campagne 2019 était fixée au mardi 11 juin 2019, ainsi que le rappelle l’instruction technique DGPE/SDPAC/2019-570 du 22 juillet 2019, citée par la décision contestée du 19 décembre 2019. La base légale de cette décision n’est toutefois pas cette instruction technique mais bien les dispositions précitées du règlement délégué (UE) n°640/2014 et de l’arrêté du 9 octobre 2015. Il est constant que Mme B… a sollicité le 8 décembre 2019 une modification de sa demande d’aide au titre de la campagne 2019, tendant à la substitution d’un des équidés initialement déclarés par un autre. Cette demande de modification de sa demande d’aide présentée au-delà du délai limite fixé par les dispositions précitées ne pouvait toutefois qu’être rejetée pour tardiveté.
En ce qui concerne le refus d’octroi de l’ICHN :
4. D’une part, aux termes de l’article D. 113-18 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction issue de l’article 1er du décret du 1er août 2016 fixant les conditions d’attribution des indemnités compensatoires de handicaps naturels permanents dans le cadre de l’agriculture de montagne et des autres zones défavorisées : » Peuvent bénéficier des aides compensatoires de handicaps naturels et spécifiques, dans les conditions prévues par le cadre national ou les programmes de développement rural régionaux de la France prévus aux 2 et 3 de l’article 6 du règlement (UE) n° 1305/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 relatif au soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) pour la période 2015-2020 et approuvés par la Commission européenne, les agriculteurs actifs au sens de l’article 9 du règlement (UE) n° 1307/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 établissant les règles relatives aux paiements directs en faveur des agriculteurs au titre des régimes de soutien relevant de la politique commune et de l’article D. 615-18 « . Aux termes de l’article D. 113-19 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction issue du même décret : » Le calcul des aides allouées à chaque agriculteur est effectué selon les règles définies par le programme de développement rural régional de la région où sont situées les surfaces agricoles de l’exploitation bénéficiaire et, le cas échéant, par le cadre national mentionné à l’article D. 113-18. / Un arrêté conjoint des ministres chargés de l’agriculture et du budget détermine les modalités de définition des sous-zones à l’intérieur de chaque zone défavorisée. Cet arrêté précise, en tant que de besoin, les règles d’éligibilité exposées dans le cadre national ou les programmes de développement rural régionaux. Il détermine les surfaces et les catégories de cheptel retenues pour le calcul du taux de chargement lorsqu’un tel critère est prévu par le cadre national ou le programme de développement rural régional applicable à la région concernée. (…) « . Le cadre national du programme de développement rural approuvé par la commission européenne le 30 juin 2015, qui fixe en son point 5.2.7.3.1.6. les conditions d’admissibilité pour l’indemnité compensatoire de handicaps naturels, prévoit notamment, au titre de l’éligibilité du demandeur : » (…) Détenir un cheptel d’au moins 3 UGB en production animale (…) « .
5. Aux termes de l’article 1er de l’arrêté du 9 octobre 2015 relatif aux modalités d’application concernant le système intégré de gestion et de contrôle, l’admissibilité des surfaces au régime de paiement de base et l’agriculteur actif dans le cadre de la politique agricole commune à compter de la campagne 2015 : » En application de l’article D. 615-1 du code rural et de la pêche maritime, la demande unique comprend les demandes au titre des régimes d’aides liées à la surface et des mesures de soutiens liés à la surface tels que définis respectivement aux 20 et 21 de l’article 2 du règlement (UE) n° 640/2014 susvisé. / Les pièces constituant la demande unique à compléter par les agriculteurs sont notamment : / -la demande d’aides ; /-le descriptif des surfaces ; / -la déclaration des effectifs animaux ; (…) « . Aux termes de l’article 4 de cet arrêté, déjà cité : » La date limite de dépôt à laquelle la demande d’attribution de droits au paiement ou d’augmentation de la valeur des droits au paiement au titre du régime de paiement de base doit être parvenue à la direction départementale chargée de l’agriculture du département dans lequel se situe le siège de l’exploitation est fixée (…) au 15 mai pour les campagnes 2018 et postérieures. (…) « . Aux termes de l’article 4 bis du même arrêté : » La qualité du demandeur d’aides s’apprécie au jour de la date limite de dépôt de la demande d’aides « .
6. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que, pour pouvoir bénéficier de l’indemnité compensatoire de handicaps naturels au titre de la campagne 2019, l’agriculteur qui en fait la demande doit justifier de la détention d’un cheptel d’au moins 3 UGB en production animale, à la date limite de dépôt de sa demande d’aides, soit le 15 mai 2019.
7. D’autre part, aux termes de l’article 3 de l’arrêté du 1er août 2016 pris en application du décret du 1er août 2016 et modifiant l’arrêté du 9 octobre 2015 relatif aux modalités d’application concernant le système intégré de gestion et de contrôle, l’admissibilité des surfaces au régime de paiement de base et l’agriculteur actif dans le cadre de la politique agricole commune à compter de la campagne 2015 : » / Les catégories d’animaux et les équivalences en UGB correspondantes retenues pour calculer ce taux sont les suivantes : (…) / – équidés identifiés selon la réglementation en vigueur et non déclarés à l’entraînement au sens des codes des courses, âgés de plus de six mois : 1 UGB ; (…) / II. – Les animaux autres que bovins pris en compte au titre du I sont ceux qui sont déclarés sur le formulaire de déclaration des effectifs animaux et qui sont présents sur l’exploitation pendant une durée minimale de 30 jours consécutifs incluant le 31 mars de l’année de la demande (…) « . Aux termes de l’article 5 de cet arrêté : » Le document Cadre national pour le développement rural ou le programme de développement rural précisent si les équidés sont pris en compte dans les critères d’éligibilité. / Le cas échéant, les équidés pris en compte sont ceux répondant aux critères de l’article 3 et relevant d’une des deux catégories ci-après : (…) / – poulains et pouliches âgés d’au moins 6 mois et au plus de 3 ans et non déclarés à l’entraînement au sens des codes des courses. « .
8. Il résulte de ces dispositions, qui précisent les règles d’éligibilité fixées par le cadre national du programme de développement rural, que s’agissant des équidés, sont pris en compte les poulains et pouliches » âgés d’au moins 6 mois et au plus de 3 ans » et » présents sur l’exploitation pendant une durée minimale de 30 jours consécutifs incluant le 31 mars « , ces deux conditions étant cumulatives. Contrairement à ce que soutient la requérante, ces précisions apportées par l’arrêté du 1er août 2016 n’ont ni pour objet ni pour effet de modifier la date à laquelle s’apprécie le respect des conditions d’éligibilité par le demandeur, fixée par les articles 4 et 4 bis de l’arrêté du 9 octobre 2015 au 15 mai pour les campagnes 2018 et postérieures.
9. Il est constant que Mme B… ne justifiait pas, par les pièces produites au soutien de sa demande d’aide déposée le 15 mai 2019, détenir les 3 UGB requises, l’une des pouliches figurant sur cette demande étant âgée de plus de trois ans à cette date. Par suite, c’est à bon droit que l’administration a rejeté la demande d’ICHN présentée par l’intéressée, en raison d’un nombre insuffisant d’animaux éligibles.
10. Enfin, contrairement à ce que soutient la requérante, la décision contestée, qui ne vise au demeurant pas l’instruction technique DGPE/SDPAC/2019-52 du 10 juillet 2019 mais l’instruction technique DGPE/SDPAC/2019-570 du 22 juillet 2019, laquelle rappelle la date limite de dépôt des demandes de modifications fixée par l’article 13 du règlement délégué (UE) n°640/2014, n’a pas pour base légale l’instruction technique du 10 juillet 2019. Dès lors, le moyen tiré de l’exception d’illégalité de cette instruction technique ne peut être utilement soulevé à l’encontre de cette décision.
11. Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que Mme B… n’est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision du 19 décembre 2019. Ses conclusions à fin d’injonction doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
12. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat la somme demandée par Mme B… au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de Mme B… la somme demandée par la région Provence-Alpes-Côte d’Azur en application de ces dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B… est rejetée.