Master 2 "Droit de la Montagne" - UGA USMB

Protection des lacs de montagne – Illégalité d’un projet d’hôtel de luxe (Tignes)

CAA de LYON N° 14LY03771    Inédit au recueil Lebon 1ère chambre – formation à 3 M. BOUCHER, président M. Juan SEGADO, rapporteur M. VALLECCHIA, rapporteur public SCP VOVAN & ASSOCIES, avocat lecture du mardi 15 novembre 2016 REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS     Texte intégral Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : L’association Vivre en Tarentaise, l’association Mouvement Homme et nature, la Fédération Rhône-Alpes de la protection de la nature comité Savoie, dite FRAPNA Savoie, et l’association Mountain Wilderness ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d’annuler l’arrêté préfectoral du 14 novembre 2011 par lequel le préfet de la Savoie a autorisé la création d’une unité touristique nouvelle pour la construction d’un hôtel à Tignes, ainsi que la décision implicite de rejet du recours hiérarchique adressé le 13 janvier 2012 au ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement. Par un jugement n° 1202589 du 9 octobre 2014, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ces décisions, a mis à la charge de l’Etat le versement d’une somme globale de 1 500 euros à l’association Vivre en Tarentaise, à la FRAPNA Savoie et à l’association Mountain Wilderness au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté les conclusions de la commune de Tignes présentées sur le fondement de ces dispositions. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 9 décembre 2014, la commune de Tignes, représentée par la Selarl Vovan et associés, demande à la cour : 1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 9 octobre 2014 ; 2°) de rejeter les conclusions de la demande présentée par l’association Vivre en Tarentaise, la FRAPNA Savoie et l’association Mountain Wilderness devant le tribunal administratif ; 3°) de mettre à la charge de ces associations une somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : – la demande présentée devant le tribunal était irrecevable dès lors que les trois associations n’avaient pas d’intérêt pour agir contre l’arrêté contesté ; – contrairement à ce qu’a jugé le tribunal, le projet n’a pas méconnu les dispositions de l’article R. 145-6 du code de l’urbanisme concernant ses effets sur les milieux naturels dès lors que la présentation de ces effets a été suffisante, que le projet n’a pas d’incidence sur les zones Natura 2000, qu’il est suffisamment précis en ce qui concerne la capacité de traitement de la station d’épuration et les mesures compensatoires envisagées, ainsi qu’en ce qui concerne les mesures préconisées pour supprimer ou compenser les effets prévisibles du projet sur les milieux naturels ; – c’est à tort que le tribunal a estimé que le projet a méconnu les dispositions de l’article R. 145-6 du code de l’urbanisme concernant ses effets prévisibles sur les paysages dès lors que l’impact paysager du projet a été envisagé par le dossier et ceci de manière détaillée ; – l’article L. 145-5 du code de l’urbanisme n’a pas été méconnu contrairement à ce qu’ont estimé les premiers juges dès lors que les berges du lac sur lesquelles l’établissement hôtelier sera édifié ne peuvent aucunement être qualifiées de rives naturelles. Par un mémoire en défense, enregistré le 10 décembre 2015, l’association Vivre en Tarentaise, la FRAPNA Savoie et l’association Mountain Wilderness, représentées par Me A…, concluent au rejet de la requête et demandent qu’une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la commune de Tignes au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Elles font valoir que : – elles ont intérêt pour agir contre l’arrêté autorisant la création d’une unité touristique nouvelle à Tignes ; – l’arrêté a été signé par une autorité incompétente dès lors que la surface réelle du projet dépasse les 12 000 m² et qu’en vertu des articles L. 145-11 I et R. 145-2 du code de l’urbanisme le préfet coordonnateur du massif était compétent ; – la présentation des caractéristiques principales du projet méconnaît les dispositions du 2° de l’article R. 145-6 du code de l’urbanisme compte tenu des erreurs et contradictions qu’elle contient ; – la présentation de l’état des milieux naturels, des pays et du site et de son environnement méconnaît les dispositions du 1° de l’article R. 145-6 du code de l’urbanisme ; – les dispositions du 4° de l’article R. 145-6 du code de l’urbanisme concernant la présentation des effets prévisibles du projet sur les milieux naturels, ainsi que les mesures de suppression, compensatoires et de réhabilitation à prévoir à ce sujet et l’estimation de leur coût, ont été méconnues ; le projet ne propose ainsi aucune mesure concrète destinée à sauvegarder les espèces protégées, omet de présenter les effets du projet sur la zone humide du delta du ruisseau du Plan actuellement vierge de toute construction, ne fait état d’aucune disposition prise pour se conformer à la règlementation en matière de qualité des eaux ; – les dispositions du 4° de l’article R. 145-6 du code de l’urbanisme concernant la présentation des effets prévisibles du projet sur les paysages, ainsi que les mesures de suppression, compensatoires et de réhabilitation à prévoir et l’estimation de leur coût ont été méconnues ; – l’étude d’incidence sur l’état de conservation des sites Nature 2000 est absente du dossier en méconnaissance de l’article L. 414-4 du code de l’environnement et des articles R. 414-19 I 5° et R. 414-19 II, même si le projet se situe en dehors d’un site Natura 2000 ; – les articles L. 145-3 et R. 146-3 1° du code de l’urbanisme ont été méconnus dès lors que le dossier omet de mentionner l’obtention récente d’une autorisation UTN aux Boisses pour 1 500 lits supplémentaires et qu’il ne prend pas en compte toutes les caractéristiques principales de l’économie locale ; – l’article L. 145-5 du code de l’urbanisme a été méconnu dès lors que le projet a été édifié dans la bande des 300 mètres à compter de la rive et que cette dernière est à l’état naturel ; Par ordonnance du 16 décembre 2015 la clôture de l’instruction a été fixée au 5 janvier 2016, en application de l’article R. 613-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier. Vu : – le code de l’urbanisme ; – le code de l’environnement ; – le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience. Ont été entendus au cours de l’audience publique : – le rapport de M. Segado, premier conseiller, – les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public, – et les observations de Me B… pour la commune de Tignes, ainsi que celles de Me A… pour les associations Vivre en Tarentaise, FRAPNA Savoie et Mountain Wilderness. 1. Considérant que, par une délibération du 14 novembre 2011, la commune de Tignes a présenté au préfet de la Savoie une demande d’autorisation de création d’une unité touristique nouvelle en vue de la construction d’un ensemble hôtelier de luxe sur la rive sud du lac naturel de Tignes en zone AS1 (domaine skiable) du plan local d’urbanisme (PLU) de la commune de Tignes, pour une surface de plancher de 11 856 m² ; que, par arrêté du 14 novembre 2011 le préfet de la Savoie a autorisé la création de cette unité touristique nouvelle ; que les associations Vivre en Tarentaise, Mouvement Homme et nature Fédération Rhône-Alpes de la protection de la nature comité Savoie, dite FRAPNA Savoie, et Mountain Wilderness ont formé, le 13 janvier 2012, un recours hiérarchique contre cette décision ; qu’une décision implicite de rejet est née à la suite du silence gardé par le ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement sur ce recours ; que ces associations ont alors demandé au tribunal administratif de Grenoble d’annuler cet arrêté préfectoral du 14 novembre 2011 et la décision implicite du ministre portant rejet de leur recours hiérarchique ; que, par un jugement du 9 octobre 2014, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l’arrêté préfectoral du 14 novembre 2011 ainsi que la décision implicite de rejet du recours hiérarchique, a mis à la charge de l’Etat le versement d’une somme de 1 500 euros aux associations demanderesses au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté les conclusions de la commune de Tignes présentées au même titre ; que la commune de Tignes relève appel de ce jugement ; Sur les fins de non-recevoir opposées par la commune de Tignes à la demande de première instance : 2. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article L. 142-1 du code de l’environnement, dans sa rédaction en vigueur à la date de saisine du tribunal :  » Toute association de protection de l’environnement agréée au titre de l’article L. 141-1 ainsi que les associations mentionnées à l’article L. 433-2 justifient d’un intérêt pour agir contre toute décision administrative ayant un rapport direct avec leur objet et leurs activités statutaires et produisant des effets dommageables pour l’environnement sur tout ou partie du territoire pour lequel elles bénéficient de l’agrément dès lors que cette décision est intervenue après la date de leur agrément.  » ; que les associations FRAPNA Savoie et Mountain Wilderness sont toutes deux agréées, à l’échelle du département de la Savoie, pour la protection de l’environnement ; que la première, selon l’article 2 de ses statuts,  » a pour but la protection de la nature et de l’environnement dans le département de la Savoie en ce qui concerne notamment le patrimoine naturel (milieux et espèces vivantes), les sites urbanisés, industriels, agricoles, les paysages, etc… « , tandis que la seconde, dont l’agrément porte sur dix-sept départements de montagne comprenant le département de la Savoie, s’est fixé pour mission, définie par l’article 1er de ses statuts,  » de sauvegarder la montagne sous tous ses aspects  » ; que, contrairement à ce que soutient la commune de Tignes, l’objet social de ces deux associations n’est pas trop vague ou imprécis ; que la création d’une unité touristique nouvelle en vue de l’aménagement d’un hôtel dit  » d’exception  » d’une surface de plancher de 11 856 m², qui doit comporter près de cent chambres et des hauteurs maximales allant de R+3 à R+5 et qui est situé sur la rive sud du lac naturel de Tignes en zone de montagne et dans un site inscrit à l’inventaire des sites, ne peut être regardée comme dépourvue de rapport direct avec les objets statutaires de ces deux associations qui justifient ainsi d’un intérêt pour agir à l’encontre de l’arrêté autorisant une telle création ; que ces deux associations justifient ainsi d’un intérêt leur donnant qualité pour demander l’annulation de cet arrêté et de la décision rejetant leur recours hiérarchique contre cette autorisation ; 3. Considérant en second lieu, qu’aux termes l’article 2 de ses statuts, l’association Vivre en Tarentaise, association agréée, a pour objet de  » préserver et améliorer la qualité de vie en Tarentaise (arrondissement d’Albertville, Savoie), notamment par la protection des sites et milieux naturels (…), veiller au respect de l’environnement, du droit et de la légalité sous toutes ses formes » ; que le projet autorisé est susceptible, de par sa situation, ses caractéristiques et celles du site d’implantation et de par son importance, de porter atteinte à l’environnement naturel des lieux, situés dans l’arrondissement d’Albertville ; que, dès lors, l’association Vivre en Tarentaise justifie également d’un intérêt lui donnant qualité pour contester la légalité des décisions en litige devant le tribunal administratif de Grenoble ; Sur la légalité des décisions en litige : 4. Considérant que, pour annuler l’arrêté du préfet de la Savoie du 14 novembre 2011 et la décision implicite du ministre rejetant le recours hiérarchique, les premiers juges ont retenu une méconnaissance des dispositions du 4° de l’article R. 145-6 du code de l’urbanisme en raison d’une insuffisante prise en compte dans le dossier de demande d’autorisation de l’unité touristique nouvelle des effets du projet sur les milieux naturels et l’environnement, d’une formulation imprécise des mesures préconisées pour préserver ces milieux naturels et l’environnement et d’une insuffisante présentation des effets prévisibles du projet sur les paysages ; que le tribunal a également retenu une méconnaissance des dispositions de l’article L. 145-5 du code de l’urbanisme ; qu’il a, pour le surplus, jugé, pour l’application de l’article L. 600-4-1 du code de l’urbanisme, que les autres moyens invoqués par les associations demanderesses ne sont pas susceptibles de conduire à l’annulation de ces décisions ; En ce qui concerne la méconnaissance des dispositions du 4° de l’article R. 145-6 du code de l’urbanisme : S’agissant des insuffisances du dossier de présentation en ce qui concerne les effets sur le milieu naturel et l’environnement et les mesures préconisées : 5. Considérant qu’aux termes de l’article R. 145-6 du code de l’urbanisme alors en vigueur :  » La demande est accompagnée d’un dossier comportant un rapport et des documents graphiques précisant : / 1° L’état des milieux naturels, des paysages, du site et de son environnement, comprenant le cas échéant l’historique de l’enneigement local, l’état du bâti, des infrastructures et des équipements touristiques existants avec leurs conditions de fréquentation, ainsi que les principales caractéristiques de l’économie locale ; / (…) 4° Les effets prévisibles du projet sur le trafic et la circulation locale, l’économie agricole, les peuplements forestiers, les terres agricoles, pastorales et forestières, les milieux naturels, les paysages et l’environnement, notamment la ressource en eau et la qualité des eaux, ainsi que les mesures de suppression, compensation et réhabilitation à prévoir, et l’estimation de leur coût ; (…)  » ; 6. Considérant que comme l’expose la commune requérante, et comme l’a d’ailleurs jugé le tribunal, le dossier de demande d’autorisation concernant la création d’un hôtel d’exception comporte de manière suffisamment précise et détaillée, un descriptif de l’état initial du site ; que ce dossier présente ainsi notamment l’état du paysage avant projet en identifiant tant les atouts que les faiblesses de ce paysage et en exposant un panorama de ses vues remarquables ; qu’il expose aussi l’état des milieux naturels en recensant des espèces remarquables à protéger à proximité du site, en rappelant l’existence d’espaces naturels remarquables (ZNIEFF et zone Natura 2000) situés dans un périmètre plus large, en identifiant deux sites sensibles qui devront faire l’objet d’une attention particulière concernant d’une part, l’embouchure du ruisseau du Plan du Lac et, d’autre part, les Berges du lac ; qu’il présente également la situation du site concernant l’hydrologie et la gestion de l’eau ; que la commune soutient que le dossier contient également, conformément aux dispositions précitées, des précisions suffisantes tant en ce qui concerne les effets sur les milieux naturels, l’eau, et le paysage, qu’en ce qui concerne les mesures préconisées pour y remédier ; 7. Considérant qu’il ressort toutefois des pièces du dossier que, concernant les effets du projet sur les deux sites sensibles recensés et les espèces protégées, le dossier de demande se borne à faire état, sur une demi-page, de remarques très générales consistant, outre une description des nuisances temporaires liées aux travaux, à mentionner  » une augmentation de la pression urbaine et de l’artificialisation des abords de l’embouchure des berges « , sans expliciter notamment les conséquences de cette artificialisation pour le site ; qu’elle mentionne par ailleurs  » des impacts indirects potentiels sur la flore protégée à proximité  » en citant les trois espèces présentes dans le delta pouvant être ainsi impactées et une autre présente ponctuellement, sans préciser la nature et l’importance de ces impacts indirects ; que, les mesures préconisées pour  » garantir l’intégrité de l’embouchure et de la zone humide du delta  » et  » préserver l’interface naturelle des berges du lac  » sont insuffisamment précises, se bornant à prévoir la réalisation d’un inventaire de la flore et de la faune, avant les démarches règlementaires, qui devra préciser l’impact effectif sur les espèces patrimoniales, ou l’établissement d’un plan qualité environnement concernant notamment les enjeux écologiques et de préservation des eaux du lac ; que, ces éléments sont d’autant plus insuffisants que,comme le relève d’ailleurs l’avis du chef du service des eaux, environnement et forêt de la direction départementale des territoires de la Savoie, la question de la détermination de l’impact du projet sur le fonctionnement de l’alimentation de la zone humide de l’embouchure du ruisseau du plan du lac se posait et nécessitait une étude particulière ; 8. Considérant qu’en outre, concernant les effets et les mesures à prendre concernant la protection et la qualité de l’eau ainsi que l’assainissement évoqués dans le dossier, la commune fait valoir que ce dossier expose que les besoins en eau potable du futur hôtel  » devraient être compatibles avec la marge de captage de la station d’épuration  » en présentant les mesures destinées à limiter la consommation d’eau, tout en indiquant que les besoins en eau n’étaient pas définitivement mesurés à ce stade ; que, cependant, le dossier se borne à indiquer que les capacités du réseau et de la station d’épuration paraissent a priori suffisantes pour absorber les eaux usées générées par un hôtel de 250 à 300 lits touristiques, en relevant que ces rejets n’étaient pas quantifiés à ce stade, sans apporter aucune précision sur les capacités de la station d’épuration à l’appui de ces indications, alors notamment que, selon l’avis du service des eaux, environnement et forêt déjà évoqué au point 7, le projet allait aggraver la situation du traitement des eaux usées, la station d’épuration mettant en évidence un dépassement récurrent de sa capacité ; 9. Considérant qu’enfin, comme l’exposent les associations intimées, il résulte des dispositions des I et II de l’article R. 414-19 du code de l’environnement qu’une évaluation des incidences sur un site Natura 2000 doit être réalisée pour les unités touristiques nouvelles même si le terrain ne se trouve pas dans ce site mais a proximité ; qu’il ressort des pièces du dossier et notamment de la demande d’autorisation, comme l’a d’ailleurs relevé le directeur régional de l’environnement, de l’aménagement du territoire et du logement (Dreal) de la région Rhône Alpes dans son avis du 14 septembre 2011, que le terrain d’assiette du projet se trouve à proximité d’un site Natura 2000 ; que la commune expose alors que les deux sites sont distants d’environ 1 kilomètre et que le dossier a relevé que le projet est situé » bien en aval des secteurs d’intérêt communautaire  » et  » qu’il ne fait apparaître aucun impact potentiel direct ou indirect sur les zones Natura 2000 du massif du Vercors  » ; que, toutefois, et même si le Dreal Rhône-Alpes a lui-même indiqué que le projet ne semble pas porter atteinte aux sites Natura 2000, il ressort des pièces du dossier que, comme l’a également souligné le Dreal, aucune évaluation n’a été produite concluant à l’absence d’incidence et la demande d’autorisation n’apporte aucune précision à ce sujet ; 10. Considérant qu’il résulte de ce qui est dit ci-dessus aux points 6 à 9 que le dossier de demande d’autorisation méconnaît les dispositions du 4° de l’article R. 145-6 du code de l’urbanisme en ce qu’il ne contient pas de précisions suffisantes concernant les effets prévisibles du projet sur les milieux naturels et l’environnement, ainsi que sur les mesures de suppression, compensation et réhabilitation à prévoir ; S’agissant des insuffisances du dossier de présentation quant aux effets sur le paysage : 11. Considérant qu’il ressort tout d’abord des pièces du dossier, que, comme l’expose la commune de Tignes, la demande d’autorisation a présenté les effets sur le paysage de la construction de l’hôtel composé de quatre à cinq niveaux de hauteur et d’une surface de plancher de 11 856 m², s’étendant sur la rive sud du lac sur une surface de 2 500 m² et sur une longueur d’environ 150 mètres allant d’un paravalanche jusqu’à l’embouchure du ruisseau du Plan du Lac ; que ce dossier contient notamment des simulations dessinées de l’impact visuel sur le paysage et liste les mesures préconisées pour en limiter les conséquences ; que, toutefois, ces dessins, notamment par leurs traits, estompent les effets visuels de l’immeuble sur le paysage et, comme le montrent notamment les photographies produites par les intimées en première instance, ne traitent qu’une partie des axes de vues sur les zones naturelles pouvant être affectées par la réalisation d’un immeuble d’une telle dimension ; que ces dessins ne permettent ainsi de donner qu’un aperçu partiel et trop approximatif de l’impact visuel du projet sur le paysage ; que, dans ces conditions, le dossier ne peut être regardé comme comportant des éléments suffisamment précis concernant les effets du projet sur le paysage ; En ce qui concerne la méconnaissance des dispositions de l’article L. 145-5 du code de l’urbanisme : 12. Considérant qu’aux termes de l’article L. 145-5 du code de l’urbanisme alors en vigueur :  » Les parties naturelles des rives des plans d’eau naturels ou artificiels d’une superficie inférieure à mille hectares sont protégées sur une distance de trois cent mètres à compter de la rive ; y sont interdits toutes constructions, installations et routes nouvelles ainsi que toutes extractions et tous affouillements. (…)  » ; 13. Considérant que, pour contester le caractère de partie naturelle de la portion de rive où doit être implantée l’unité touristique en litige, la commune de Tignes se prévaut de la présence de la route départementale 87 A qui dessert le centre de Tignes et qui longe partiellement le site du projet, de l’existence de deux chalets d’alpage construits dans les années 1950 présentant une surface de plancher de 300 m², de la présence d’une aire de pique-nique, d’une station de relevage et d’un chalet en ruine ; qu’il ressort toutefois des pièces du dossier et notamment des photographies produites par les parties, qu’en dépit de ces éléments, la rive sud du lac de Tignes où doit s’implanter le projet constitue une coupure verte entre, d’une part, le centre du bourg de Tignes situé au nord du lac et l’aménagement à l’ouest du lac d’un paravalanche au dessus de la route départementale, et, d’autre part l’urbanisation du Val Claret située au sud du site ; que cette zone contribue ainsi à conserver un caractère naturel au paysage du lac permettant de regarder cette partie de rive du lac comme étant naturelle au sens des dispositions précitées ; que, par suite, en accordant l’autorisation de créer une unité touristique nouvelle dans la bande des 300 mètres de cette partie naturelle de la rive sud du lac de Tignes, le préfet de la Savoie a méconnu les dispositions précitées de l’article L. 145-5 du code de l’urbanisme ; 14. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la commune de Tignes n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l’arrêté préfectoral du 14 novembre 2011 par lequel le préfet de la Savoie a autorisé la création d’une unité touristique nouvelle pour la construction d’un hôtel à Tignes, ainsi que la décision implicite de rejet du recours hiérarchique formé le 13 janvier 2012 ; Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative : 15. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les associations intimées, qui ne sont pas, dans la présente instance, parties perdantes, soient condamnées à payer à la commune de Tignes la somme qu’elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu’il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la commune de Tignes le paiement à l’association Vivre en Tarentaise, à la FRAPNA Savoie et à l’association Mountain Wilderness d’une somme globale de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ; DECIDE : Article 1er : La requête de la commune de Tignes est rejetée. Article 2 : La commune de Tignes versera à l’association Vivre en Tarentaise, à la FRAPNA Savoie et à l’association Mountain Wilderness la somme globale de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Tignes, à l’association Vivre en Tarentaise, à la Frapna Savoie et à l’association Mountain Wilderness. Délibéré après l’audience du 18 octobre 2016, à laquelle siégeaient : M. Boucher, président de chambre, M. Gille, président-assesseur, M. Segado, premier conseiller. Lu en audience publique, le 15 novembre 2016. 2 N° 14LY03771

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