Master 2 "Droit de la Montagne" - UGA USMB
Pyrénées-Orientales/ Chasse au grand tétras/ Illégalité
18/12/2018, Master 2 "Droit de la Montagne" - UGA USMB
Conseil d’État
N°
411084
ECLI:FR:CECHS:2018:411084.20181121
Inédit au recueil Lebon
6ème chambre
Mme Marie-Laure Denis, rapporteur
Mme Julie Burguburu, rapporteur public
SCP FOUSSARD, FROGER, avocats
lecture du
mercredi 21 novembre 2018
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Texte intégral
Vu la procédure suivante :
Le Groupe ornithologique du Roussillon a demandé au
tribunal administratif de Montpellier d’annuler pour excès de pouvoir
l’arrêté n° 2013-275-0002 du 2 octobre 2013 par lequel le préfet des
Pyrénées-Orientales a, d’une part, attribué à l’association communale de
chasse agréée de Llo un plan de chasse pour le prélèvement d’un
spécimen de l’espèce grand tétras pour
la saison 2013-2014 et, d’autre part, fixé les conditions générales de
chasse. Par un jugement n° 1305601 du 6 mars 2015, le tribunal
administratif de Montpellier a annulé l’arrêté préfectoral du 2 octobre
2013.
Par un arrêt n° 15MA01921 du 30 mars 2017, la cour
administrative d’appel de Marseille a, rejeté l’appel formé par la
ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie contre
ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire,
enregistrés respectivement le 31 mai 2017 et le 25 août 2017 au
secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, le ministre d’Etat,
ministre de la transition écologique et solidaire demande au Conseil
d’Etat :
1°) d’annuler cet arrêt ;
2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à son appel.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
– la directive 2009/147/CE du 30 novembre 2009 du
Parlement européen et du Conseil concernant la conservation des oiseaux
sauvages ;
– le code de l’environnement ;
– le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de Mme Marie-Laure Denis, conseiller d’Etat,
– les conclusions de Mme Julie Burguburu, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les
conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de l’association Groupe
ornithologique du Roussillon.
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du
fond que, par un arrêté du 2 octobre 2013, le préfet des
Pyrénées-Orientales a attribué au président de l’association communale
de chasse agrée de Llo un plan de chasse pour le prélèvement d’un
spécimen de l’espèce grand tétras pour
la saison de chasse 2013/2014 et a fixé les conditions générales de la
chasse. Le tribunal administratif de Montpellier a, à la demande du
Groupe Ornithologique du Roussillon, annulé cet arrêté. Le ministre
chargé de la chasse se pourvoit en cassation contre l’arrêt par lequel
la cour administrative d’appel de Marseille a rejeté son appel contre ce
jugement.
2. D’une part, aux termes de l’article 7 de la directive
2009/147/CE du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux
sauvages : » Les États membres prennent toutes les mesures nécessaires
pour maintenir ou adapter la population de toutes les espèces d’oiseaux
visées à l’article 1er à un niveau qui corresponde notamment aux
exigences écologiques, scientifiques et culturelles, compte tenu des
exigences économiques et récréationnelles « . Aux termes de l’article 7
de cette directive : » 1. En raison de leur niveau de population, de
leur distribution géographique et de leur taux de reproductivité dans
l’ensemble de la Communauté, les espèces énumérées à l’annexe II peuvent
faire l’objet d’actes de chasse dans le cadre de la législation
nationale. Les États membres veillent à ce que la chasse de ces espèces
ne compromette pas les efforts de conservation entrepris dans leur aire
de distribution (…). / 4. Les États membres s’assurent que la pratique
de la chasse (…) telle qu’elle découle de l’application des mesures
nationales en vigueur, respecte les principes d’une utilisation
raisonnée et d’une régulation équilibrée du point de vue écologique des
espèces d’oiseaux concernées, et que cette pratique soit compatible, en
ce qui concerne la population de ces espèces, notamment des espèces
migratrices, avec les dispositions découlant de l’article 2. / Ils
veillent en particulier à ce que les espèces auxquelles s’applique la
législation sur la chasse ne soient pas chassées pendant la période
nidicole ni pendant les différents stades de reproduction et de
dépendance (…) « .
3. D’autre part, aux termes de l’article L. 420-1 du code
de l’environnement : » La gestion durable du patrimoine faunique et de
ses habitats est d’intérêt général. La pratique de la chasse, activité à
caractère environnemental, culturel, social et économique, participe à
cette gestion et contribue à l’équilibre entre le gibier, les milieux et
les activités humaines en assurant un véritable équilibre
agro-sylvo-cynégétique. / Le principe de prélèvement raisonnable sur les
ressources naturelles renouvelables s’impose aux activités d’usage et
d’exploitation de ces ressources. Par leurs actions de gestion et de
régulation des espèces dont la chasse est autorisée ainsi que par leurs
réalisations en faveur des biotopes, les chasseurs contribuent au
maintien, à la restauration et à la gestion équilibrée des écosystèmes
en vue de la préservation de la biodiversité. Ils participent de ce fait
au développement des activités économiques et écologiques dans les
milieux naturels, notamment dans les territoires à caractère rural « .
Aux termes de l’article L. 425-6 du même code, dans sa rédaction en
vigueur à la date de l’arrêté préfectoral contesté : » Le plan de chasse
détermine le nombre minimum et maximum d’animaux à prélever sur les
territoires de chasse. Il tend à assurer le développement durable des
populations de gibier et à préserver leurs habitats, en conciliant les
intérêts agricoles, sylvicoles et cynégétiques (…) « .
4. Il résulte de la combinaison de ces dispositions, et
notamment de celles de la directive 2009/147/CE du 30 novembre 2009,
éclairées par la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés
européennes, devenue la Cour de justice de l’Union européenne qu’elles
poursuivent un objectif d’intérêt général de protection des espèces
d’oiseaux sauvages qui doit être concilié, en vertu de l’article 2 de la
directive, avec des exigences économiques et récréationnelles. En vertu
de l’article 7 de la directive, les espèces concernées peuvent en
principe faire l’objet d’actes de chasse, dès lors qu’ils ne
compromettent pas les efforts de conservation entrepris dans leur aire
de distribution et qu’ils respectent les principes d’une utilisation
raisonnée et d’une régulation équilibrée du point de vue écologique des
espèces d’oiseaux concernées.
5. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu’en relevant que l’effectif de grands tétras
mâles a connu une diminution de l’ordre de 70 % à l’échelle de
l’ensemble des Pyrénées françaises entre 1960 et 2009, que l’effectif de
l’espèce demeure inférieur au seuil critique de cinq cents unités à la
date de l’arrêté attaqué dans le département des Pyrénées-Orientales et
même inférieur à cent dans l’unité de gestion » Canigou-Puigmal-Carança »
dont relève l’association de chasse agréée de Llo, alors que l’indice
de reproduction est insuffisant pour assurer la conservation favorable
de l’espèce à court et moyen terme dans son aire de répartition
naturelle, s’agissant d’un oiseau sédentaire, la cour administrative
d’appel a porté sur les faits de l’espèce une appréciation souveraine
exempte de dénaturation.
6. Compte tenu de ces constatations souveraines, en
jugeant que le prélèvement, ne serait-ce que d’un seul spécimen, était
de nature à compromettre les efforts de conservation de l’espèce, qui ne
peuvent être regardés comme suffisants pour empêcher une diminution
sensible des effectifs de grand tétras
susceptible de conduire, à terme, à la disparition de l’espèce au sein
de l’unité de gestion » Canigou-Puigmal-Carança » comme au sein de
l’ensemble du département des Pyrénées-Orientales, la cour n’a pas
commis les erreurs de droit reprochées.
7. Il résulte de ce qui précède que le pourvoi du ministre
de la transition écologique et solidaire doit être rejeté.
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de
mettre à la charge de l’Etat la somme de 3000 euros qui sera versée à
l’association Groupe ornithologique du Roussillon au titre des
dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
————–
Article 1er : Le pourvoi du ministre d’Etat, ministre de la transition écologique et solidaire est rejeté.
Article 2 : L’Etat versera à l’association Groupe ornithologique du
Roussillon une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du
code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre d’Etat,
ministre de la transition écologique et solidaire et à l’association
Groupe ornithologique du Roussillon.