Master 2 "Droit de la Montagne" - UGA USMB

Référé-liberté/ Remontées mécaniques/ Obligation de dépistage (Covid)/ Application aux guides de haute-montagne (oui)

Conseil d’État, , 22/12/2021, 459553, Inédit au recueil Lebon Conseil d’État – N° 459553 ECLI:FR:CEORD:2021:459553.20211222 Inédit au recueil Lebon Lecture du mercredi 22 décembre 2021 Texte intégral RÉPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS Vu la procédure suivante : Par une requête, enregistrée le 16 décembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, M. D… E…, M. F… A… et M. B… C… demandent au juge des référés du Conseil d’Etat, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative : 1°) de suspendre l’exécution des dispositions du b) du 5° de l’article 1er du décret n° 2021-1521 du 25 novembre 2021, en ce qu’elles s’appliquent aux déplacements nécessaires à l’activité des professionnels de haute montagne ; 2°) d’enjoindre au Premier ministre de modifier, dans un délai de trois jours, les dispositions du 11° du II de l’article 47-1 du décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire, pour exclure de son champ d’application les déplacements nécessaires à l’activité des professionnels de haute montagne ; 3°) d’ordonner toutes mesures utiles de nature à faire cesser l’atteinte grave et manifestement illégale portée à leur liberté d’entreprendre en tant que professionnels de haute montagne, ainsi qu’à leur liberté d’aller et venir et à leur droit de ne pas consentir à un traitement médical ; 4°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que : – la condition d’urgence est satisfaite compte tenu de l’imminence de la période de haute saison et de la perte de revenus qui découlera pour eux, en tant que guides indépendants, de l’application des dispositions contestées ; – il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à leur liberté d’entreprendre, à leur liberté d’aller et venir et à leur droit de ne pas consentir à un traitement médical dès lors que, en premier lieu, l’accès aux remontées mécaniques est indispensable à l’exercice de l’activité professionnelle des guides de haute montagne, en deuxième lieu, la réalisation d’un test toutes les 24 heures n’est pas matériellement possible dans les stations de sports d’hiver, si bien que l’obligation de présenter un passe sanitaire s’apparente à une obligation vaccinale, en troisième lieu, la profession de guide de haute montagne n’est pas une profession  » à risque  » de contamination à la Covid-19 et, en dernier lieu, le respect des gestes barrières apparaît suffisant pour éviter la propagation du virus. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : – la Constitution ; – le code de la santé publique ; – le code du tourisme ; – la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 ; – la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 ; – la loi n° 2021-1465 du 10 novembre 2021 ; – le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 ; – le code de justice administrative ; Considérant ce qui suit : 1. Aux termes de l’article L. 521-2 du même code :  » Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (…) « . En vertu de l’article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d’urgence n’est pas remplie ou lorsqu’il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu’elle est irrecevable ou qu’elle est mal fondée. 2. Le 2° du A du II de l’article 1er de la loi du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire, dans sa rédaction issue de la loi du 5 août 2021, prévoit que le Premier ministre peut  » subordonner à la présentation soit du résultat d’un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19, soit d’un justificatif de statut vaccinal concernant la covid-19, soit d’un certificat de rétablissement à la suite d’une contamination par la covid-19 l’accès à certains lieux, établissements, services ou évènements (…) « . 3. Aux termes du I de l’article 47-1 du décret du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire, tel que modifié par le décret du 25 novembre 2021, qui a porté de 72 heures à 24 heures la durée de validité du résultat d’un examen ou d’un test de dépistage mentionnée au 1° :  » Les personnes majeures et, à compter du 30 septembre 2021, les personnes mineures âgées d’au moins douze ans et deux mois doivent, pour être accueillies dans les établissements, lieux, services et évènements mentionnés aux II et III, présenter l’un des documents suivants : / 1° Le résultat d’un examen de dépistage ou d’un test mentionné au 1° de l’article 2-2 réalisé moins de 24 heures avant l’accès à l’établissement, au lieu, au service ou à l’évènement. Les seuls tests antigéniques pouvant être valablement présentés pour l’application du présent 1° sont ceux permettant la détection de la protéine N du SARS-CoV-2 ; / 2° Un justificatif du statut vaccinal délivré dans les conditions mentionnées au 2° de l’article 2-2 ; / 3° Un certificat de rétablissement délivré dans les conditions mentionnées au 3° de l’article 2-2. / La présentation de ces documents est contrôlée dans les conditions mentionnées à l’article 2-3. / A défaut de présentation de l’un de ces documents, l’accès à l’établissement, au lieu, au service ou à l’évènement est refusé, sauf pour les personnes justifiant d’une contre-indication médicale à la vaccination dans les conditions prévues à l’article 2-4 « . 4. Le décret du 25 novembre 2021 est contesté par M. E… et autres en ce qu’il a également inséré au II de l’article 47-1 du décret du 1er juin 2021 un nouvel alinéa ajoutant  » les services mentionnés à l’article 18 « , à savoir les remontées mécaniques définies à l’article L. 342-7 du code du tourisme, à la liste des services pour lesquels les documents mentionnés au I doivent être présentés. Les requérants, guides de haute montagne indépendants en Haute-Savoie, demandent au juge des référés du Conseil d’Etat, sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, d’ordonner la suspension de l’exécution de ces dispositions en ce qu’elles s’appliquent aux déplacements nécessaires à l’activité des professionnels de haute montagne. 5. Les requérants font valoir qu’il leur est indispensable d’emprunter les remontées mécaniques dans le cadre de leur activité professionnelle et soutiennent que l’obligation de se prêter à un test toutes les 24 heures n’est pas matériellement possible en haute montagne, si bien qu’ils se trouvent dans l’obligation de se faire vacciner pour pouvoir continuer à exercer leur activité professionnelle, alors au demeurant que le respect des gestes barrières serait selon eux suffisant pour éviter la propagation du virus. 6. Toutefois, il résulte des données disponibles que la circulation du virus SARS-CoV-2 s’est considérablement accélérée ces dernières semaines sur le territoire métropolitain, avec, selon les données publiées par Santé publique France, une forte augmentation du taux d’incidence, qui s’élève désormais à plus de 500 cas pour 100 000 habitants et est même supérieur à 800 cas pour 100 000 habitants en Haute-Savoie, se traduisant par des admissions en soins critiques dépassant le niveau de la vague précédente. C’est pour tenir compte de cette hausse du taux d’incidence et lutter contre la propagation de l’épidémie que le renforcement des mesures barrières, au nombre desquelles l’obligation du port du masque, s’accompagne depuis le 4 décembre 2021 de l’obligation de présenter le  » passe sanitaire  » pour accéder au service des remontées mécaniques, conformément aux recommandations du conseil scientifique sur l’accès du public aux lieux clos. Dans ces conditions, à supposer même qu’il soit en pratique difficile de bénéficier de tests antigéniques toutes les 24 heures dans les stations de sport d’hiver, l’obligation résultant des dispositions contestées, qui ne contraint nullement les guides de haute montagne à se faire vacciner mais peut les conduire, le cas échéant, à renoncer à proposer certaines excursions sur certains parcours de plusieurs journées à leurs clients, ne saurait être regardée comme portant à leur liberté d’entreprendre et à leur liberté d’aller et venir une atteinte inappropriée ou manifestement disproportionnée aux risques encourus. Est à cet égard sans incidence la circonstance que la pratique de leur activité, en ce qu’elle se déroule en plein air et sans contact, n’exposerait pas, par elle-même, les professionnels de la haute montagne à des risques spécifiques de contamination. 7. Il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la condition d’urgence, que la requête présentée par M. E… et autres ne peut qu’être rejetée selon la procédure prévue par l’article L. 522-3 du code de justice administrative, y compris les conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. O R D O N N E : —————— Article 1er : La requête de M. E… et autres est rejetée. Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. D… E…, premier requérant dénommé. Copie en sera adressée au Premier ministre et au ministre des solidarités et de la santé. Fait à Paris, le 22 décembre 2021 Signé : Suzanne von Coester

En savoir plus