Master 2 "Droit de la Montagne" - UGA USMB

Remontées mécaniques/ Contrat d’occupation du domaine public/ Contrat de régie publicitaire

CAA de LYON, 4ème chambre, 17/12/2021, 19LY03418, Inédit au recueil Lebon   Président d’HERVE Rapporteur Christophe RIVIERE Rapporteur public SAVOURE Avocat(s) SCP PEREZ ET CHAT Texte intégral RÉPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure La société des Trois Vallées a demandé au tribunal administratif de Grenoble : – de condamner la société Chamendi à lui verser la somme de 75 838,16 euros, outre intérêts au taux légal capitalisés, en paiement du solde d’un contrat de régie publicitaire ; – de mettre à la charge de la société Chamendi la somme de 3 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 1706535 du 9 juillet 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Procédure devant la cour Par une requête, enregistrée le 4 septembre 2019, la société des Trois Vallées, représentée par Me Chat, demande à la cour : 1°) d’annuler le jugement susmentionné du 9 juillet 2019 du tribunal administratif de Grenoble ; 2°) de condamner la société Chamendi à lui verser la somme de 75 838,16 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 21 novembre 2017 et de la capitalisation de ces intérêts ; 3°) de mettre à la charge de la société Chamendi la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : – la clause attributive de compétence au profit du tribunal de commerce de Paris lui est inopposable dès lors que le contrat qu’elle a conclu en tant que concessionnaire du service public des remontées mécaniques de Courchevel 1850-1550-Le Praz avec la société Chamendi pour l’occupation du domaine public constitué par le domaine skiable, se caractérisant par les publicités qui sont organisées et affichées sur les pistes ou les remontées mécaniques, est un contrat administratif relevant de la compétence du juge administratif ; – elle démontre l’existence d’un contrat entre les parties concernant le marquage publicitaire des produits de la marque  » Evian  » sur les tenues des personnels S3V moyennant une redevance forfaitaire de 36 000 euros TTC par saison, qui est établi par des échanges de courriels, qui caractérise un accord sur la chose et le prix ; – le montant de sa créance relative à la revente de l’espace publicitaire lui appartenant sur les télécabines des Chenus dans la station de Courchevel est de 78 676,32 euros TTC pour la saison 2016/2017 correspondant à vingt-cinq cabines  » habillées  » pour un montant, incluant le pourcentage d’augmentation de 3% par rapport à la grille tarifaire de la saison précédente, de 54 636,35 euros HT, et à cinq cabines supplémentaires pour un montant de 10 927,25 euros à raison d’un montant forfaitaire de 2 185,45 euros par cabine supplémentaire ; – la société Chamendi reste à lui devoir la somme de 75 838,16 euros dès lors que sa créance totale est de 150 676,32 euros, incluant 36 000 euros TTC au titre du marquage publicitaire sur les tenues de son personnel pour la saison 2015/2016, 36 000 euros TTC pour ce même marquage pour la saison 2016/2017, et 78 676,32 euros TTC au titre de la revente de l’espace publicitaire sur les télécabines des Chenus, et que ladite société ne lui a réglé que la somme totale de 74 832,16 euros, sous forme de deux acomptes, l’un de 39 338,16 euros le 2 février 2017, l’autre de 35 500 euros le 20 avril 2017. Par lettres du 10 novembre 2021, les parties ont été informées, en application de l’article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l’arrêt était susceptible d’être fondé sur le moyen relevé d’office tiré de l’incompétence du juge administratif concernant le marquage publicitaire des produits de la marque Evian sur les tenues du personnel de la société 3V, qui relève d’un litige de droit privé opposant deux personnes morales de droit privé. La société des Trois Vallées a présenté des observations par un mémoire enregistré le 16 novembre 2021. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : – le code civil ; – le code général des collectivités territoriales ; – le code général de la propriété des personnes publiques ; – le code de justice administrative. Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience. Après avoir entendu au cours de l’audience publique : – le rapport de M. Rivière ; – et les conclusions de M. Savouré, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. La société anonyme d’économie mixte des trois Vallées, dénommée  » S3V « , s’est vue confier à titre exclusif par le département de la Savoie par une convention de délégation du service public du 28 juillet 2000, reprise et modifiée dans un avenant n° 3 du 28 janvier 2013, jusqu’au 10 août 2030, l’aménagement, l’entretien, le renouvellement, la gestion et l’exploitation du service public des remontées mécaniques sur le secteur dit Courchevel 1850-1550-Le Praz, et appartenant au domaine public du département. Cette convention stipule à son article 10 que dans le périmètre de la délégation, la société S3V peut rechercher la possibilité de location d’emplacements publicitaires fixes ou mobiles, lumineux ou non, ainsi que toute forme de publicité à caractère exclusivement commercial dans le respect de la législation en vigueur. 2. La S3V a conclu le 5 novembre 2013 avec la société Chamendi un contrat de régie publicitaire pour commercialiser l’espace publicitaire que constituent sur le secteur de Courchevel les télécabines des Chenus (vingt-cinq cabines), des Verdons (vingt-cinq cabines) et du Jardin Alpin (vingt-cinq cabines) pour les saisons de sports d’hiver 2013/2014 à 2015/2016 et du 1er décembre au 30 avril de chaque saison. Ce contrat, dont le terme était fixé au 30 avril 2016, est renouvelable par tacite reconduction d’année en année selon son article 8. Il prévoit, au titre des obligations du régisseur (articles 4.4 et 4.5), que celui-ci doit, pour l’espace publicitaire compris dans le support, s’acquitter d’un prix selon une grille tarifaire de 50 000 euros HT pour les vingt-cinq cabines de la télécabine des Chenus pour la saison 2013/2014, avec un ajustement de cette grille au titre des saisons 2014/2015 et 2015/2016 par l’application d’un pourcentage d’augmentation de 3 % par rapport à la grille tarifaire de la saison précédente, et une grille tarifaire de 2 000 euros HT par cabine  » habillée  » supplémentaire pour également la télécabine des Chenus, avec ajustement dans les mêmes conditions que celles applicables pour les vingt-cinq cabines. En ce qui concerne le marquage publicitaire des produits de la marque  » Evian  » sur les tenues des personnels de la société  » S3V  » : 3. Aux termes de l’article L. 2331-1 du code général de la propriété des personnes publiques :  » Sont portés devant la juridiction administrative les litiges relatifs : 1° Aux autorisations ou contrats comportant occupation du domaine public, quelle que soit leur forme ou leur dénomination, accordées ou conclus par les personnes publiques ou leurs concessionnaires (…) « . 4. Le contrat conclu entre la société S3V et la société Chamendi ayant pour objet une prestation de marquage publicitaire des produits de la marque  » Evian  » sur les tenues des personnels S3V moyennant une redevance forfaitaire de 36 000 euros TTC par saison n’emporte pas en lui-même occupation du domaine public au sens de l’article L. 2331-1 du code général de la propriété des personnes publiques. Alors même que les personnes employées par S3V exercent leurs activités pour les besoins des installations concédées, elles ne sont pas au nombre des supports publicitaires disponibles sur le domaine public énumérés par les dispositions citées au point 1 de la convention de délégation du service public. Le litige portant sur l’exécution d’un tel contrat de droit privé de régie publicitaire conclu entre deux personnes privées relève dès lors de la compétence des juridictions judiciaires. 5. Il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu pour la cour d’annuler le jugement n° 1706535 du 9 juillet 2019 en tant que par cette décision le tribunal administratif de Grenoble s’est reconnu compétent pour connaître de la demande de la société  » S3V  » relative au marquage publicitaire sur les tenues des personnels de la société  » S3V « , et statuant par voie d’évocation, de rejeter cette partie de la demande comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître. En ce qui concerne la vente de l’espace publicitaire constitué par les télécabines des Chenus dans la station de Courchevel : 6. Il n’est pas contesté que le contrat de régie publicitaire du 5 novembre 2013 a été reconduit tacitement pour la saison 2016/2017. Il résulte de l’instruction, en particulier du grand livre auxiliaire provisoire de la société  » S3V « , exercice 2016/2017, que, au titre de la tarification de l’espace publicitaire des 25 cabines et de 5 cabines supplémentaires de la télécabine des Chenus de la station de Courchevel pour la saison 2016/2017, selon les modalités prévues par les articles 4.4 et 4.5 du contrat de régie publicitaire du 5 novembre 2013, la société Chamendi n’a réglé que la somme de 74 832,16 euros sous forme de deux acomptes, l’un de 39 338,16 euros et l’autre de 35 500 euros, alors que la facture correspondante n° 4236 du 26 janvier 2017 est d’un montant non contesté de 78 676,32 euros, et que la somme de 21 661,76 euros réglée par ailleurs par cette société, selon le grand livre auxiliaire provisoire précité, ne correspond pas à cette facture. 7. Il résulte de ce qui précède que la société des Trois Vallées est seulement fondée à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande à hauteur de 3 838,16 euros correspondant à la différence entre le montant de la facture n° 4236 précitée et les deux acomptes versés par la société Chamendi. Sur les conclusions au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative : 8. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la société Chamendi au profit de la société des Trois Vallées la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 1706535 du 9 juillet 2019 du tribunal administratif de Grenoble est annulé. Article 2 : La demande présentée par la société des Trois Vallées devant le tribunal administratif de Grenoble concernant le marquage publicitaire sur les tenues des personnels de la société  » S3V  » est rejetée comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître. Article 3 : La société Chamendi est condamnée à verser la somme de 3 838,16 euros à la société des Trois Vallées. Article 4 : La société Chamendi versera à la société des Trois Vallées la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société des Trois Vallées et à la société Chamendi. Délibéré après l’audience du 2 décembre 2021, à laquelle siégeaient : M. d’Hervé, président de chambre, Mme Michel, présidente-assesseure, M. Rivière, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2021. 5 N° 19LY03418  

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