Actualité du Labex

Séminaire ZAA - Labex ITTEM / Synthèse

08/06/2020

Cofinancer les actions de recherche en partenariat : modalités pratiques, enjeux scientifiques et éthiques

Séminaire commun ZAA - Labex ITTEM du 2 juin 2020

Synthèse

Introduction au séminaire

Présentation de la Zone Atelier Alpes par Jérôme Poulenard.

Présentation du Labex ITTEM par Philippe Bourdeau.

Si elle n’est pas nouvelle, la nécessité de faire financer la recherche scientifique par une diversité d’institutions s’est accentuée avec la réduction des dotations de l’État aux laboratoires et la difficulté croissante à obtenir un soutien des organismes classiques de financement de la recherche. L’idée selon laquelle il convient de coconstruire les questions de recherche et collaborer davantage avec les acteurs intéressés ou affectés par les problèmes sur lesquels nous travaillons favorise également le recours à une diversité de financeurs. Les activités d’un nombre croissant d’institutions de la recherche et de chercheurs sont donc cofinancées par une diversité croissante d’acteurs : ministères, services de l’État, collectivités locales, entreprises, associations, etc. Si la tendance actuelle se poursuit, ce sera de plus en plus le cas.

L’introduction de nouveaux financeurs n’est certainement pas neutre. Quels peuvent être ses effets sur la recherche produite et sur les chercheurs ? Quelles questions et éventuellement quels problèmes le cofinancement croissant de la recherche par une diversité d’acteurs pose-t-il ? À qui et pourquoi ? Ces problèmes sont-ils d’ordre scientifique, éthique, pratique ?

Deux précisions paraissent importantes :

Premièrement, il faut aussi s’intéresser aux avantages autres que financiers que les chercheurs peuvent tirer de ces collaborations. Les financeurs peuvent aussi être, par exemple, des pourvoyeurs de terrains de recherche, de données, d’expertise.

Deuxièmement, on peut penser que les effets de l’introduction de nouveaux financeurs diffèrent selon les objectifs qu’ils poursuivent, leur pouvoir économique et politique et leur proximité avec les chercheurs en termes de formation initiale et de champ thématique. Plus le pouvoir économique et politique des financeurs est important, plus la collaboration peut apparaître intéressante, mais plus elle est susceptible d’être dangereuse pour la recherche, en l’exposant à des risques ou en tout cas à des soupçons d’être orientée voire biaisée par les besoins des financeurs.

Nos deux structures, la zone atelier Alpes et le Labex ITTEM, sont toutes les deux confrontées à cette problématique. Elles mettent toutes les deux en avant leur volonté de coconstruire les recherches et de favoriser la transdisciplinarité. Pour initier une réflexion collective à ce sujet, nous avons choisi de nous appuyer sur l’expérience d’acteurs de la recherche qui se situent à deux niveaux organisationnels : celui de l’institution de recherche, et celui de ses membres. Nous avons sollicité deux institutions avec des statuts très différents :

-        La Fondation pour la Recherche sur la Biodiversité qui nous présentera comment elle cofinance un de ses programmes, le CESAB ;

-        La Zone Atelier Terres Uranifères, qui a longuement mûri sa stratégie de collaboration avec les acteurs du nucléaire.

Et nous avons sollicité deux chercheuses, membres du Labex ITTEM et de la zone atelier Alpes, qui travaillent avec des acteurs opérationnels dans des domaines différents :

-        Clémence Perrin-Malterre, chercheuse à l’USMB, au laboratoire Edytem, qui collabore étroitement avec des gestionnaires d’espaces naturels protégés ;

-        Emmanuelle George, spécialiste de l’économie des stations de sports d'hiver à INRAE, au LESSEM, qui a une longue pratique du travail avec les acteurs touristiques.

À partir de ces quatre témoignages, nous espérons faire émerger des questionnements, une réflexion collective et des pistes de solutions pour décider de cofinancer nos recherches en partenariat, ou pas ; de le faire, le cas échéant, en connaissance de cause et avec une stratégie et des outils qui nous permettent de produire la meilleure recherche possible, scientifiquement et éthiquement.

Interventions

Les quatre diaporamas qui ont servi de support aux interventions sont disponibles sur demande.

-        Hélène Soubelet et Jean-François Silvain : « Cofinancer les recherches sur la biodiversité. L’exemple du CESAB »

-        Patrick Chardon : « Travailler avec d’autres acteurs en préservant l’autonomie de la recherche scientifique : l’exemple de la zone atelier Terres Uranifères »

-        Clémence Perrin-Malterre : « Recherche partenariale avec les gestionnaires d’espaces protégés : enjeux, intérêts et difficultés »

-        Emmanuelle George : « Une relecture d’expériences de recherches finalisées sur et avec les stations de sports d’hiver et les territoires touristiques de montagne : entre proximité et distance »

Brève synthèse des échanges

Nous résumons ici, de manière très synthétique, le contenu des échanges. Un premier tableau porte sur ce qui peut être financé, par qui, sur la façon d’intéresser les partenaires financiers et les difficultés souvent rencontrées. Un second tableau indique les risques de tels partenariats pour la recherche qui ont été évoqués dans les échanges, et les précautions qui ont été envisagées pour les éviter.

Qui peut cofinancer ?

Difficile de mobiliser des financeurs à une autre échelle que celle de la structure ou du projet considérés 

Mécénat/partenariat : contrairement au partenariat, le mécénat laisse la structure entièrement libre de l’utilisation des financements. Mais il est beaucoup plus difficile de trouver des mécènes que des partenaires.

Que peut-on espérer faire cofinancer ?

un poste temporaire (par exemple un postdoc) plutôt que le fonctionnement de la structure ;

Comment intéresser les partenaires financiers et travailler avec eux ?

Bien connaître les préoccupations des partenaires : leurs décisions de financement doivent s’inscrire dans un calendrier et dans leurs orientations et délibérations s’il s’agit d’acteurs politiques.

Fréquenter les lieux de rencontre et d’interface (moments de rencontre de la recherche, instances comme le comité de massif, etc.) ; éviter un langage trop jargonneux auprès des partenaires.

Faire coïncider la demande des partenaires et une question de recherche, en discutant dans le cadre d’un programme de recherche collaboratif. Avec l’idée d’apporter des éléments d’aide à la décision, pistes d’action…

L’intérêt des partenaires pour les projets de recherche et la possibilité de mobiliser des financements ne suffisent pas toujours : il faut aussi tenir compte de règles administratives et financières comme le code des marchés publics, la mise en concurrence, etc.

Quelles difficultés sont fréquemment rencontrées ?

Temps nécessaire à la construction d’un réseau

Différences de temporalités entre chercheurs et financeurs, souvent en attente de résultats rapides. La communication et la mise en discussion de résultats provisoires peuvent constituer des solutions.

Nécessité de réexpliquer régulièrement les objectifs et règles de fonctionnement de la recherche à des partenaires dont la rotation peut être rapide (élus notamment)

Avec quels risques pour la recherche et quelles précautions envisageables ?

Risques

Précautions

Les priorités des partenaires financiers peuvent prendre le pas sur celles de la structure ou des chercheurs.

Nécessité de définir une stratégie scientifique robuste avant de s’ouvrir à des partenaires extérieurs

Nécessité de trouver des compromis entre les priorités des uns et des autres

Éviter d’avoir un partenaire unique ou très dominant.

Les partenaires financiers peuvent exercer un certain contrôle sur la recherche et les publications, en particulier lorsqu’elles portent sur des aspects sensibles, y compris lorsqu’ils ne la financent pas directement.

S’accorder sur les conditions de communication des résultats très en amont de leur production. Proposer une communication la plus objective possible

Maintenir des recherches avec les partenaires hors financement

Les partenariats avec des acteurs privés « connotés » peuvent susciter des questionnements et des réticences récurrents de la part de chercheurs qui alertent sur les risques de ces partenariats.

Notion de liste rouge des entreprises avec lesquelles on ne veut pas établir de partenariat 

Mise en place de dispositifs pour garantir l’indépendance de la recherche : charte du partenariat, comité de pilotage des projets

La logique partenariale et de coconstruction des questions de recherche peut ne laisser que peu de place, voire aucune place, à la construction de questions de recherche indépendantes des préoccupations des partenaires.  

La construction peut/doit précéder la coconstruction

Assumer que certaines questions sont construites par les chercheurs (par opposition à coconstruites avec les partenaires)

 

La priorité peut être donnée aux questions qui répondent aux préoccupations des partenaires, au détriment d’autres questions elles aussi pertinentes sur le plan scientifique et sociétal.

Ne pas hésiter à porter des préoccupations étrangères aux partenaires

 

Soumis par leila.shah le lun, 08/06/2020 - 10:37