Master 2 "Droit de la Montagne" - UGA USMB

Téléphérique de La Grave/ Biens de retour et biens de reprise/ Conditions d’indemnisation de l’ancien concessionnaire

CAA de MARSEILLE, 6ème chambre, 29/03/2021, 19MA05156, Inédit au recueil Lebon CAA de MARSEILLE – 6ème chambre N° 19MA05156 Inédit au recueil Lebon Lecture du lundi 29 mars 2021 Président FEDOU Rapporteur Philippe GRIMAUD Rapporteur public THIELÉ Avocat(s) MBC AVOCATS Texte intégral RÉPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société Téléphériques des glaciers de la Meije a demandé au tribunal administratif de Marseille, à titre principal de condamner la commune de La Grave à lui verser, d’une part, la somme de 1 201 289,30 euros au titre des investissements réalisés et non amortis à la fin de la concession dont elle était titulaire, assortie des intérêts au taux légal à compter de la réception de la demande indemnitaire préalable et du produit de leur capitalisation et, d’autre part, la somme de 256 900 euros au titre de l’indemnisation des biens dits de reprise ou, à titre subsidiaire, d’ordonner une expertise afin d’évaluer le montant des indemnités qui lui sont dues. Par un jugement n° 1706236 du 5 novembre 2019, le tribunal administratif de Marseille a condamné la commune de La Grave à verser à la société Téléphériques des glaciers de la Meije la somme de 1 003 145 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 19 avril 2017 et a ordonné la capitalisation de ces intérêts à compter du 1er septembre 2018 et à chaque échéance annuelle ultérieure à compter de cette date. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire enregistrés les 28 novembre 2019 et 26 novembre 2020, la commune de La Grave, représentée par Me C…, demande à la Cour : 1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille en ce qu’il a fait droit aux conclusions indemnitaires de la société TGM et a rejeté ses conclusions reconventionnelles ; 2°) de condamner la société TGM à lui verser une indemnité de 500 000 euros en réparation du préjudice subi du fait du défaut de reconstruction du téléski dit  » Trifides  » ; 3°) à défaut, de désigner un expert en vue d’évaluer le préjudice qu’elle a subi à ce titre ; 4°) de mettre une somme de 10 000 euros à la charge de la société TGM en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : – le jugement est irrégulier en ce qu’il a omis de répondre au moyen tiré du défaut de préjudice subi par la société en raison de l’indemnisation des travaux de changement de câbles et de l’impossibilité consécutive de condamner la commune à payer une somme qu’elle ne doit pas ; – le remplacement du câble constitue une obligation à la charge de l’exploitant, tenu d’assurer le maintien des installations en bon état de fonctionnement et constitue un bien de retour, de telle sorte que la société TGM ne devait pas être indemnisée des dépenses réalisées à ce titre ; – ce câble n’a pas été changé de manière précoce ; – les travaux relatifs à l’alimentation électrique à l’altitude de 3 200 mètres constituent également des investissements à la charge du concessionnaire qui ne peuvent être indemnisés ; – en l’absence de tout état des lieux contradictoire et de valorisation précise des biens de reprise, aucune indemnité n’était due à ce titre à la société ; – le téléski des Trifides constituant un bien de retour et n’ayant jamais été reconstruit après sa destruction, la commune, qui n’a jamais renoncé à sa reconstruction, était fondée à en demander l’indemnisation. Par un mémoire en défense enregistré le 10 septembre 2020, la société Téléphériques des glaciers de la Meije, représentée par Me A…, demande à la Cour : 1°) de rejeter la requête de la commune de La Grave ; 2°) par la voie de l’appel incident, de réformer le jugement en ce qu’il n’a pas fait droit à l’intégralité de ses demandes et de condamner la commune de La Grave à lui verser la somme de 1 201 289,30 euros au titre de la valeur des biens de retour non amortis ainsi que la somme de 256 900 euros au titre des biens de reprise, majorée des intérêts au taux légal à compter de la réception de sa réclamation préalable ; 3°) d’ordonner la capitalisation des intérêts ; 4°) à titre subsidiaire, d’ordonner une expertise en vue de déterminer l’étendue de son préjudice ; 5°) de mettre une somme de 10 000 euros à la charge de la commune de La Grave en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens invoqués par la commune de La Grave sont infondés. Par ordonnance du 14 décembre 2020, la clôture d’instruction a été fixée en dernier lieu au 11 janvier 2021. Vu les autres pièces du dossier. Vu : – le code général de la propriété des personnes publiques ; – le code général des collectivités territoriales ; – le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience. Ont été entendus au cours de l’audience publique : – le rapport de M. E… Grimaud, rapporteur, – les conclusions de M. B… Thielé, rapporteur public, – et les observations de Me D…, représentant la commune de La Grave. Considérant ce qui suit : 1. Par une convention du 15 juin 1987, la commune de La Grave a confié à la société Téléphériques des glaciers de la Meije la construction et l’exploitation des remontées mécaniques du versant nord du massif de la Meije pour une durée de 30 ans. A l’expiration du contrat, la société Téléphériques des glaciers de la Meije a sollicité l’indemnisation du défaut d’amortissement des travaux de remplacement des câbles porteurs du deuxième tronçon et du câble d’alimentation électrique atteignant l’altitude de 3 200 mètres, ainsi que l’indemnisation du transfert de biens de reprise transmis sans indemnité à la commune puis au nouveau concessionnaire. Par son jugement, le tribunal administratif de Marseille a fait droit à la première de ces deux demandes à hauteur de 944 945 euros et à la seconde à hauteur de 58 200 euros, et a rejeté le surplus des conclusions de la société Téléphériques des glaciers de la Meije. Sur les conclusions indemnitaires réciproques : 2. En premier lieu, dans le cadre d’une délégation de service public ou d’une concession de travaux mettant à la charge du cocontractant les investissements correspondant à la création ou à l’acquisition des biens nécessaires au fonctionnement du service public, l’ensemble de ces biens, meubles ou immeubles, appartient, dans le silence de la convention, dès leur réalisation ou leur acquisition, à la personne publique. 3. D’une part, lorsque des ouvrages nécessaires au fonctionnement du service public, et ainsi constitutifs d’aménagements indispensables à l’exécution des missions de ce service, sont établis sur la propriété d’une personne publique, ils relèvent de ce fait du régime de la domanialité publique. La faculté offerte aux parties au contrat d’en disposer autrement ne peut s’exercer, en ce qui concerne les droits réels dont peut bénéficier le cocontractant sur le domaine public, que selon les modalités et dans les limites définies aux articles L. 2122-6 à L. 2122-14 du code général de la propriété des personnes publiques ou aux articles L. 1311-2 à L. 1311-8 du code général des collectivités territoriales et à condition que la nature et l’usage des droits consentis ne soient pas susceptibles d’affecter la continuité du service public. 4. D’autre part, le contrat peut attribuer au délégataire ou au concessionnaire, pour la durée de la convention, la propriété des ouvrages qui, bien que nécessaires au fonctionnement du service public, ne sont pas établis sur la propriété d’une personne publique, ou des droits réels sur ces biens, sous réserve de comporter les garanties propres à assurer la continuité du service public, notamment la faculté pour la personne publique de s’opposer à la cession, en cours de délégation, de ces ouvrages ou des droits détenus par la personne privée. 5. En outre, les biens qui n’ont pas été remis par le délégant au délégataire en vue de leur gestion par celui-ci et qui ne sont pas indispensables au fonctionnement du service public sont la propriété du délégataire, à moins que les parties n’en disposent autrement. 6. En deuxième lieu, à l’expiration de la convention, les biens qui sont entrés, en application des principes énoncés ci-dessus, dans la propriété de la personne publique et ont été amortis au cours de l’exécution du contrat font nécessairement retour à celle-ci gratuitement, sous réserve des clauses contractuelles permettant à la personne publique, dans les conditions qu’elles déterminent, de faire reprendre par son cocontractant les biens qui ne seraient plus nécessaires au fonctionnement du service public. Le contrat qui accorde au délégataire ou concessionnaire, pour la durée de la convention, la propriété des biens nécessaires au service public autres que les ouvrages établis sur la propriété d’une personne publique, ou certains droits réels sur ces biens, ne peut, sous les mêmes réserves, faire obstacle au retour gratuit de ces biens à la personne publique en fin de délégation. 7. Par ailleurs, les parties peuvent convenir d’une faculté de reprise par la personne publique, à l’expiration de la délégation ou de la concession, et moyennant un prix, des biens appartenant au délégataire qui ne sont pas nécessaires au fonctionnement du service. Toutefois, aucun principe ni aucune règle ne fait obstacle, s’agissant de ces biens susceptibles d’une reprise, à ce que le contrat prévoie également leur retour gratuit à la personne publique au terme de la délégation. 8. Enfin, lorsque la personne publique résilie la convention avant son terme normal, le délégataire est fondé à demander l’indemnisation du préjudice qu’il subit à raison du retour anticipé des biens à titre gratuit dans le patrimoine de la collectivité publique, en application des principes énoncés ci-dessus, dès lors qu’ils n’ont pu être totalement amortis. Lorsque l’amortissement de ces biens a été calculé sur la base d’une durée d’utilisation inférieure à la durée du contrat, cette indemnité est égale à leur valeur nette comptable inscrite au bilan. Dans le cas où leur durée d’utilisation était supérieure à la durée du contrat, l’indemnité est égale à la valeur nette comptable qui résulterait de l’amortissement de ces biens sur la durée du contrat. Si, en présence d’une convention conclue entre une personne publique et une personne privée, il est loisible aux parties de déroger à ces principes, l’indemnité mise à la charge de la personne publique au titre de ces biens ne saurait en toute hypothèse excéder le montant calculé selon les modalités précisées ci-dessus. En ce qui concerne le remplacement des câbles porteurs et du câble d’alimentation électrique à l’altitude de 3 200 mètres : 9. En vertu de l’article 1er de la convention de concession :  » Le S.I.V.O.M. renonce à la concession de construction et d’exploitation des remontées mécaniques du versant nord du massif de la Meije existant entre lui et la commune de La Grave-la Meije. / Le S.I.V.O.M., avec l’accord de la commune de La Grave-la Meije, transfère la propriété de l’installation des Téléphériques des Glaciers de la Meije à l’exploitant qui accepte, moyennant le prix symbolique de 1 franc. (…). « . Aux termes des stipulations de l’article 7 de ce contrat :  » L’exploitant s’engage : / (…) – à exploiter et à entretenir en bon état de marche pendant toute la durée de la convention les installations et engins de remontées mécaniques définis au cahier des charges. ». En vertu de l’article 8 du contrat :  » Outre le transfert de propriété de l’installation Les Téléphériques de Glaciers de la Meije effectué par le SIVOM à l’exploitant à l’article 1 ci-dessus, l’autorité organisatrice transfère à l’exploitant les biens nécessaires à l’exploitation. / L’ensemble des biens visés ci-dessus sont répertoriés à l’annexe B ci-jointe (…). « . Aux termes de l’article 16 du contrat :  » Lorsque le contrat arrive à échéance, tous les biens nécessaires à l’exploitation sont remis à l’autorité organisatrice. / L’exploitant sera tenu de remettre ces biens en bon état d’entretien et de fonctionnement (…). « . Aux termes de l’annexe B au contrat, la liste des biens mis gratuitement à la disposition de l’exploitant comprend notamment :  » l’installation de téléphériques dite  » Téléphérique des glaciers de la Meije « , en deux tronçons, avec les bâtiments de ses gares en état. « . 10. Il résulte des stipulations précitées que les câbles porteurs gauche et droit du second tronçon de l’équipement dénommé  » téléphériques des glaciers de la Meije « , ainsi que le câble d’alimentation électrique de cet équipement implanté à 3 200 mètres d’altitude, mis à disposition de l’exploitant par le concédant et indispensables à l’exécution du service public qui lui était confié, constituent des biens de retour. Ils devaient donc, en vertu des règles rappelées ci-dessus, faire nécessairement retour à la commune de La Grave à titre gratuit à l’expiration de la convention. 11. Si la société TGM fait valoir qu’elle a été contrainte, en vertu d’une décision du service technique des remontées mécaniques et des transports guidés et d’une mise en demeure émanant de la commune, de remplacer ces équipements en 2014 et 2015 alors que les câbles porteurs n’avaient selon elle pas atteint la fin de leur durée de vie et qu’elle n’a, de ce fait, pas pu amortir complètement ces investissements avant la fin de la concession, il résulte des clauses du contrat que ces travaux de remplacement, nécessaires au maintien en bon fonctionnement de l’installation, lui incombaient en tout état de cause et devaient dès lors être intégrés, dès la passation de la concession, dans le compte d’exploitation prévisionnel de celle-ci. Par ailleurs, la société TGM, qui se borne à faire valoir le caractère tardif de ces travaux par rapport à l’échéance du contrat, ne soutient ni n’établit que ces équipements, dont il résulte de l’instruction qu’ils sont amortis par la société sur une durée de 25 ans, auraient une durée d’amortissement supérieure à la durée du contrat. Il s’ensuit qu’il résulte de l’instruction que le défaut d’amortissement de ces biens avant l’expiration du contrat ne découle ni de ce qu’ils constitueraient des investissements nouveaux décidés par le concédant à une date ne permettant plus leur amortissement avant la fin du contrat, ni de ce que la durée initiale du contrat était inférieure à leur durée d’amortissement, ni de la résiliation de la concession avant ce terme, ni de ce que les parties auraient commis une erreur dans la détermination de l’équilibre économique global de la concession, qui serait de nature à empêcher l’amortissement des investissements même dans le cadre d’une gestion normale. Il en résulte que la commune de La Grave est fondée à soutenir que le retour à titre gratuit de ces biens non amortis dans son patrimoine n’ouvrait droit à aucune indemnité au profit de la société TGM. En ce qui concerne les restaurants : 12. Aux termes de l’article 2 de la convention de concession :  » L’autorité organisatrice confie à l’exploitant la construction et l’exploitation à ses risques et périls des installations de remontées mécaniques (…). / L’autorité organisatrice lui confie également, dans les conditions définies au cahier des charges, l’aménagement et l’exploitation des installations, des services annexes et commerces, aux risque et périls de l’exploitant. ». En vertu de l’article 9 du contrat :  » L’exploitant s’engage à fournir les biens nécessaires à l’exploitation autres que ceux qui sont mis à la disposition par le SIVOM et l’autorité organisatrice. Au fur et à mesure de leur mise en service, ces biens sont inscrits à l’annexe C ci-joint. « . En vertu du quatrième alinéa de l’article 2 du cahier des charges :  » les installations et services annexes dont la construction et l’exploitation sont également confiées à l’exploitant, sont les suivantes : / – bars, restaurants, souvenirs (…). « . L’annexe B au contrat énumérant la liste des biens apportés par l’exploitant mentionne notamment :  » annexes aux installations et commerces : restaurants, bars (…). ». 13. Il résulte de ces stipulations, qui qualifient les restaurants de biens  » nécessaires à l’exploitation « , lesquels doivent faire retour à la commune en vertu de l’article 16 du contrat, que les parties ont entendu conférer aux restaurants le caractère de biens de retour. Il s’ensuit que ces biens, dont il n’est pas soutenu qu’ils n’auraient pas été amortis, doivent faire retour gratuitement à la commune de La Grave. La société TGM n’est dès lors pas fondée à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l’indemnisation de la valeur vénale des restaurants remis au concédant. En ce qui concerne les biens de reprise : 14. En premier lieu, si les stipulations de l’article 16 du traité de concession prévoient que  » l’autorité organisatrice sera tenue d’acquérir les approvisionnements de matériaux et les stocks existants, à prix fixes à dires d’experts « , seuls sont susceptibles de relever de l’application de cette clause, parmi les biens dont la liste a été fournie par la société TGM à la commune, le stock de pièces de rechange, les consommables et le fioul entreposé dans la cuve dans les installations. Il ne résulte toutefois pas de l’instruction que ces biens auraient été remis au concédant, de telle sorte que la demande présentée sur ce point par la société TGM doit être rejetée. 15. En second lieu, si le contrat ne prévoit pas la possibilité pour la commune d’acquérir les biens de reprise de la concession, elle ne l’exclut pas explicitement. Par ailleurs, il résulte de l’instruction, et notamment de la procédure de liquidation de la concession arrêtée par la commune et notifiée à la société TGM par courrier du 18 avril 2017, que la commune envisageait de racheter certains de ces biens à la société TGM, ainsi qu’il lui était loisible de le faire en vertu des principes rappelés aux points 2 à 8 ci-dessus. 16. Il résulte de l’instruction que si, d’une part, la société TGM et la commune de La Grave se sont opposées sur les modalités d’établissement du constat contradictoire nécessaire à l’inventaire des biens en cause et si, d’autre part, le concessionnaire a manifesté une résistance certaine aux propositions de la commune en vue d’établir cet inventaire, la société TGM a néanmoins établi et adressé à la commune, par courrier du 15 avril 2017, une liste précise des biens de reprise de la concession. Il résulte par ailleurs de l’instruction qu’une grande partie des biens meubles et immeubles portés à cet inventaire apparaissent, sous le même libellé, dans l’inventaire des biens transmis par la commune à son nouveau concessionnaire et ont donc été tacitement repris par la commune, qui ne conteste pas sérieusement le transfert de ces biens à la société SATA. Il s’ensuit que la société TGM est fondée à demander l’indemnisation de ceux de ces biens qui lui appartenaient, dont le montant ne peut toutefois être évalué à la somme de 58 200 euros retenue par le tribunal administratif de Marseille, qui correspond à la différence entre le prix des équipements mentionnés sur l’inventaire des biens qui auraient, selon la société TGM, été transmis à la société SATA et le prix de ceux qu’elle aurait conservés. La société TGM n’est pas davantage fondée à demander le versement à ce titre de la somme de 256 900 euros qu’elle demande en l’absence de correspondance complète entre l’inventaire qu’elle a transmis à la commune et ceux recensés dans la délégation de service public confiée à la société SATA. La Cour n’étant pas suffisamment informée sur ce point par l’instruction, il y a lieu de désigner un expert en vue de déterminer la liste des biens de reprise effectivement transférés à la commune et d’évaluer leur valeur. En ce qui concerne l’équipement de la liaison avec le dôme de la Lauze : 17. Ainsi que cela a été rappelé aux points 2 à 8 ci-dessus, dans le cadre d’une délégation de service public ou d’une concession de travaux mettant à la charge du cocontractant les investissements correspondant à la création ou à l’acquisition des biens nécessaires au fonctionnement du service public, l’ensemble de ces biens, meubles ou immeubles, appartient, dans le silence de la convention, dès leur réalisation ou leur acquisition à la personne publique et, à l’expiration de la convention, ces biens font nécessairement retour à celle-ci gratuitement, sous réserve des clauses contractuelles permettant à la personne publique, dans les conditions qu’elle détermine, de faire reprendre par son cocontractant les biens qui ne seraient plus nécessaires au fonctionnement du service public. Par suite, en l’absence de telles clauses, ces biens, qui ont été nécessaires au fonctionnement du service concédé à un moment quelconque de l’exécution de la convention, font retour à la personne publique à l’expiration de celle-ci, quand bien même ils ne sont plus alors nécessaires au fonctionnement du service public concédé. 18. Aux termes des dispositions de l’article 7 du traité de concession :  » L’exploitant s’engage : / (…) – à réaliser la jonction avec le Dôme de la Lauze simultanément avec la réalisation du funiculaire du Jandri au Dôme de Puy Sallié de la station des Deux Alpes. ». En vertu de l’article 2 du cahier des charges de la concession :  » Les installations de remontées mécaniques dont l’Autorité organisatrice confie la construction et l’exploitation, à l’exploitant, sont les suivantes : / (…) – Installation(s) de jonction avec le Dôme de la Lauze (et les Deux Alpes). « . L’annexe C au contrat énumérant la liste des biens nécessaires au service apportés par l’exploitant mentionne notamment :  » Installation(s) de jonction avec le Dôme de la Lauze (et les Deux Alpes) (…). « . 19. En premier lieu, il résulte de ces stipulations que, si la société TGM était libre quant aux modalités techniques précises de desserte du dôme de la Lauze, elle était en revanche tenue d’assurer cette desserte par le biais d’une remontée mécanique, laquelle, installée en 1990, constituait un bien de retour de la concession. 20. En second lieu, il résulte de l’instruction que le téléphérique dit  » des Trifides « , qui constituait l’un des deux équipements reliant le point d’arrivée du téléphérique dit  » des Ruillans  » au dôme de la Lauze s’est effondré en 2008 à la suite de mouvements de terrain et que la desserte a été assurée à compter de cette date par un système provisoire. Toutefois, contrairement à ce que soutient la société TGM, il résulte de l’instruction que la commune de La Grave, qui était en droit d’attendre l’intégration de ce bien de retour dans son patrimoine à l’expiration de la concession, a exigé de la société TGM, en 2012 puis en 2015, de reconstruire cet équipement afin de rétablir cette liaison et ne peut donc être regardée comme ayant renoncé à la reconstitution de ce bien, alors même qu’elle aurait opté, dans la nouvelle concession, pour un système de desserte différent de la partie la plus élevée de son domaine, comprenant le dôme de la Lauze. Par ailleurs, si la société TGM fait valoir que la reconstruction à l’identique serait techniquement impossible, elle n’établit pas que la reconstruction de cet équipement de remontée mécanique était, sous une forme ou sous une autre, irréalisable. Il s’ensuit que la commune de La Grave est fondée à demander la condamnation de la société TGM à l’indemniser de la perte de ce bien. Si la commune fait valoir que le coût de reconstruction de cet équipement s’élève à 500 000 euros, cette évaluation se fonde uniquement sur un document sommaire établi dans des conditions indéterminées, qui ne permet pas de chiffrer le coût de cet équipement, dont il résulte en outre de l’instruction qu’il aurait été âgé de vingt-sept ans lors de son retour dans le patrimoine communal de telle sorte que la reconstitution d’une remontée mécanique neuve aurait apporté une plus-value à la commune de La Grave. La Cour n’étant pas suffisamment informée sur ce point par l’instruction, il y a lieu de désigner un expert en vue de déterminer le coût de reconstruction de cet équipement et d’évaluer la plus-value qui aurait résulté de sa remise en état neuf à la commune. 21. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de La Grave et la société TGM sont fondées à demander l’annulation du jugement attaqué en ce qu’il a de contraire au présent arrêt. Sur les frais liés au litige : 22. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative s’opposent à ce que la somme réclamée par la société Téléphériques des glaciers de la Meije sur leur fondement soit mise à la charge de la commune de La Grave, qui n’est pas la partie perdante, pour l’essentiel, dans la présente instance. Il y a lieu, en revanche, de mettre une somme de 2 000 euros à la charge de la société TGM, à verser à la commune de La Grave sur ce fondement. D É C I D E : Article 1er : Les conclusions de la société TGM tendant à la condamnation de la commune de La Grave à lui verser la somme de 944 945,32 euros au titre des biens de retour non amortis et la somme de 256 344 euros en ce qui concerne les restaurants d’altitude sont rejetées. Article 2 : Il sera, avant de statuer sur les conclusions indemnitaires de la société TGM relatives aux biens de reprise transmis à la commune et sur les conclusions indemnitaires de la commune relatives à la reconstruction du téléphérique des Trifides, procédé à une expertise contradictoire en présence de ladite société et de la commune de La Grave, avec mission pour un collège de deux experts, de : – se faire communiquer toute pièce complémentaire nécessaire à l’exercice de sa mission ; – dresser la liste des biens de reprise énumérés à l’annexe E de l’inventaire réalisé le 15 avril 2017 par la société TGM qui étaient la propriété de cette société et ont été repris par la commune ; – évaluer la valeur non amortie de ces biens à la date du 15 juin 2017 ; – évaluer le coût de la reconstruction d’une installation de remontée mécanique assurant la jonction avec le Dôme de la Lauze en adoptant pour date de référence du coût des travaux le 15 juin 2017 ; – évaluer la plus-value qui aurait résulté du retour de ce bien à l’état neuf dans le patrimoine de la commune au 15 juin 2017 compte tenu de l’état d’usure de l’équipement de jonction détruit en 2008. Article 3 : Le collège d’experts accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Article 4 : La société TGM versera une somme de 2 000 euros à la commune de La Grave en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 5 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n’est pas statué par le présent arrêt sont réservés. Article 6 : Le jugement n° 1706236 du tribunal administratif de Marseille du 5 novembre 2019 est réformé en ce qu’il a de contraire au présent arrêt. Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de La Grave et à la société Téléphériques des glaciers de la Meije.

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