Caranton Julien

Les forêts dans les grandes vallées alpines françaises (XIXe-XXI siècles) - Laboratoire LARHRA

Cette recherche postdoctorale s’intéresse à l’évolution des forêts alpines, à partir des cas des vallées de la Maurienne et de la Tarentaise, entre les XVIIIe et XXIe siècles.
Cette période est marquée par une innovation, la reconversion du taillis à la futaie. Cette transformation se caractérise par le passage d’un régime forestier dominé par la production de bois-énergie, régulé par les sociétés locales, à un régime forestier régulé par l’État combinant la production de bois-matériau avec une forêt de protection. Par conséquent, cette mutation a transformé profondément les territoires de montagne.
Dans un premier temps, cette recherche s’est attachée à identifier les documents d’archives permettant d’appréhender cette évolution et ses conséquences sur les territoires de montagne. Très rapidement, il est apparu que les données quantitatives fournies par les nombreuses enquêtes s’intéressant à l’exploitation des forêts aux XVIIIe et XIXe siècles,  ne peuvent être mises en série entre elles, ainsi qu’avec des données similaires plus récentes. Les contextes de production de chaque enquête étant différents, une mise en série aurait comme résultat une réification des analyses positivistes proposées par l’administration française des Eaux et Forêts au début du XXe siècle. Par la voix de Paul Mougin, cette administration s’est appliquée à dénoncer l’imprévoyance des populations paysannes et l’incapacité de l’administration sarde à réguler l’exploitation des forêts.
Cependant, ces enquêtes fournissent des données qualitatives bien plus intéressantes dans le cadre de cette recherche. Elles sont accompagnées de descriptions des bois visités par les enquêteurs, de leur état et de leur exploitation. Elles offrent ainsi une vision synchronique parfois très précise des bois de ces territoires de montagne.
Le second temps de ce travail a consisté à mener une réflexion sur la manière d’exploiter ces données qualitatives . Il apparaît scientifiquement pertinent de mettre en œuvre un système d’informations géographiques historique et « critique » — au regard des analyses positivistes du début du XXe siècle. La difficulté de ce projet réside dans le traitement numérique des cartes historiques à l’échelle de la parcelle forestière — mappe sarde du XVIIIe siècle ou plans d’aménagement produits par l’administration française des Eaux et Forêts à partir de 1880. Leur traitement implique une collaboration disciplinaire entre géomaticiens, historiens et informaticiens. Seule une collaboration de ce type permettrait d’exploiter ces données géohistoriques qualitatives et de construire un système d’informations géographiques critique.