Master 2 "Droit de la Montagne" - UGA USMB
PLU Megève/ Parcelles agricoles/ Intégration au domaine skiable/ Erreur manifeste (non)
09/03/2020, Master 2 "Droit de la Montagne" - UGA USMB
CAA de LYON
N° 19LY01426
Inédit au recueil Lebon
1ère chambre
Mme MARGINEAN-FAURE, président
Mme Bénédicte LORDONNE, rapporteur
M. LAVAL, rapporteur public
DEBEAURAIN & ASSOCIES, avocat
lecture du mardi 25 février 2020
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
________________________________________
Texte intégral
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. et Mme A… C… et autres ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d’annuler pour excès de pouvoir la délibération du 21 mars 2017 par laquelle le conseil municipal de la commune de Megève a approuvé le plan local d’urbanisme (PLU) de la commune, ainsi que la décision implicite de rejet de leur recours gracieux.
Par un jugement n° 1705389 du 14 février 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 12 avril 2019, M. et Mme C… et autres, représentés par la SELARL Cabinet Debeaurain et Associés, demandent à la cour :
1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 14 février 2019 ;
2°) d’annuler la délibération du 21 mars 2017 approuvant le PLU de Megève et la décision implicite de rejet de leur recours gracieux ;
3°) de mettre une somme de 3 000 euros à la charge de la commune de Megève au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
– le classement du bas des parcelles cadastrées section BC n° 299 à 304 situées au lieu-dit » Plaine de Glaise » en zone N d’intérêt écologique, en dehors des limites de la zone rouge du PPR, est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation et procède d’un détournement de pouvoir ;
– le classement en zone A des parcelles cadastrées section B n° 691 et 620 situées au lieu-dit » Le Purgatoire » est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation ;
– l’intégration au domaine skiable des parcelles cadastrées section A n° 90 et 92, situées au lieu-dit » Fontaine Froide » est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation et porte atteinte aux paysages et aux espaces naturels et aux activités agricoles ;
– le tribunal, qui n’a pas répondu à ce moyen de première instance, a entaché son jugement d’une irrégularité.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 novembre 2019, la commune de Megève, représentée par la SELARL Affaires Droit Public-Immobilier, conclut au rejet de la requête et demande qu’une somme de 3 000 euros soit mise à la charge solidaire des requérants en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
– les moyens soulevés sont infondés ;
– subsidiairement, la demande de première instance était irrecevable faute pour les demandeurs de justifier de leur intérêt pour agir, cause d’irrecevabilité insusceptible de régularisation en cause d’appel.
La clôture de l’instruction a été fixée au 23 décembre 2019 par une ordonnance du 6 décembre 2019 prise en application de l’article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
– le code de l’urbanisme ;
– le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme E… D…, première conseillère ;
– les conclusions de M. Jean-Simon Laval, rapporteur public ;
– les observations de Me B… représentant la commune de Megève ;
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme C… et autres relèvent appel du jugement du 14 février 2019 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à l’annulation de la délibération du conseil municipal de Megève du 21 mars 2017 approuvant le plan local d’urbanisme (PLU) de la commune, ainsi que la décision implicite de rejet de leur recours gracieux.
Sur la régularité du jugement :
2. Il ressort du jugement attaqué que le tribunal administratif de Grenoble a expressément répondu à l’ensemble des moyens soulevés par les demandeurs, en particulier au point 5 de ce jugement, à celui mettant en cause la légalité du classement de leurs parcelles dans le domaine skiable de la commune. Si les requérants reprochent aux premiers juges d’avoir écarté, à tort, un tel moyen comme dépourvu de précision sans en examiner le bien-fondé, une telle circonstance n’est pas de nature à affecter la régularité du jugement mais peut seulement en affecter le bien-fondé.
Sur la légalité de la délibération du 21 mars 2017 :
3. Il appartient aux auteurs d’un PLU de déterminer le parti d’aménagement à retenir pour le territoire concerné par ce PLU, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d’avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. Leur appréciation sur ces différents points ne peut être censurée par le juge administratif qu’au cas où elle serait entachée d’une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.
En ce qui concerne le classement des parcelles situées lieu-dit » Plaine de Glaise » :
4. Aux termes de l’article R. 123-8 du code de l’urbanisme, applicable aux PLU dont l’élaboration a été engagée avant le 1er janvier 2016 : » Les zones naturelles et forestières sont dites » zones N « . Peuvent être classés en zone naturelle et forestière, les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison : a) Soit de la qualité des sites, milieux et espaces naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique ; / (…) c) Soit de leur caractère d’espaces naturels. « .
5. Pour contester le classement en zone N d’une partie des parcelles n° 299 et 304 situées au lieu-dit » Plaine de Glaise » et leur inclusion dans un secteur d’intérêt écologique identifié au titre de l’article L. 151-23 du code de l’urbanisme, M. et Mme C… et autres soutiennent que ces parcelles ne présentent pas d’intérêt écologique et ne se situent pas dans la zone rouge du plan de prévention des risques (PPR). Si les requérants font valoir à cet égard que les contours du tracé de la zone N et du secteur d’intérêt écologique n’épouseraient pas exactement le périmètre de protection du PPR, portant sur une largeur d’environ dix mètres depuis le cours d’eau dénommé Le Glapet, cette circonstance à la supposer établie est en elle-même sans incidence sur le classement en litige qui se justifie par la situation des parcelles en litige le long du Glapet et leur caractère boisé dans leur partie basse classée en zone N et répond ainsi à leurs caractéristiques propres. Dans ces conditions, et sans que les requérants puissent utilement invoquer le classement d’autres parcelles situées à proximité ou l’engagement d’une procédure de mise en compatibilité du PLU dans le cadre de la déclaration de projet relative à la mise en oeuvre de l’OAP dénommée les » abords du Palais des Sports « , les moyens selon lesquels le classement en litige procède d’une erreur manifeste d’appréciation ou d’un détournement de pouvoir doivent être écartés.
En ce qui concerne le classement des parcelles situées lieu-dit » Le Purgatoire » :
6. Aux termes du 1er alinéa de l’article R. 123-7 du code de l’urbanisme, applicable aux PLU dont l’élaboration a été engagée avant le 1er janvier 2016 : » Les zones agricoles sont dites « zones A ». Peuvent être classés en zone agricole les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles « .
7. Les parcelles en litige, situées au lieu-dit » Le Purgatoire « , se situent en dehors de l’enveloppe urbaine de la commune et se rattachent à un vaste ensemble de parcelles à vocation agricole. D’une superficie d’environ 4 000 m², elles sont vierges de construction et les pièces du dossier révèlent qu’elles ne sont pas dépourvues de potentiel agronomique. Leur classement en zone agricole répond ainsi à leurs caractéristiques propres et concourt à la satisfaction des objectifs que se sont donnés les auteurs du PLU et que rappelle le PADD d’opter pour un développement moins consommateur d’espace. La circonstance tirée de leur desserte par les réseaux ne fait pas par elle-même obstacle au classement contesté qui n’apparait ainsi entaché d’aucune erreur manifeste d’appréciation.
En ce qui concerne le classement des parcelles situées lieu-dit » Fontaine Froide » :
8. Aux termes de l’article L. 174-3 du code de l’urbanisme : » Lorsqu’une procédure de révision du plan d’occupation des sols a été engagée avant le 31 décembre 2015, cette procédure peut être menée à terme en application des articles L. 123-1 et suivants, dans leur rédaction issue de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, sous réserve d’être achevée au plus tard le 26 mars 2017 « . Aux termes du IV de l’article L. 123-1-5 du code de l’urbanisme dans sa rédaction applicable : » Le règlement peut, en matière d’équipement des zones : 1° (…) délimiter les zones qui sont ou peuvent être aménagées en vue de la pratique du ski et les secteurs réservés aux remontées mécaniques en indiquant, le cas échéant, les équipements et aménagements susceptibles d’y être prévus (…) « . Aux termes de l’article R. 123-11 de ce code, applicable aux PLU dont l’élaboration a été engagée avant le 1er janvier 2016 : : » Les zones U, AU, A et N sont délimitées sur un ou plusieurs documents graphiques. / Les documents graphiques du règlement font, en outre, apparaître s’il y a lieu : (…) j) Les zones qui sont ou peuvent être aménagées en vue de la pratique du ski et les secteurs réservés aux remontées mécaniques en indiquant, le cas échéant, les équipements et aménagements susceptibles d’y être prévus « .
9. Aux termes de l’article L. 122-10 du code de l’urbanisme, applicable depuis le 1er janvier 2016, et reprenant les dispositions du I de l’article L. 145-3 du code : » Les terres nécessaires au maintien et au développement des activités agricoles, pastorales et forestières sont préservées. La nécessité de préserver ces terres s’apprécie au regard de leur rôle et de leur place dans les systèmes d’exploitation locaux. Sont également pris en compte leur situation par rapport au siège de l’exploitation, leur relief, leur pente et leur exposition. Les constructions nécessaires à ces activités ainsi que les équipements sportifs liés notamment à la pratique du ski et de la randonnée peuvent y être autorisés (…).
10. Les parcelles en litige, cadastrées section A n° 90 et 92, situées au lieu-dit » Fontaine Froide « , ont été classées en secteur Aa, à vocation de gestion des sites d’alpages et intégrées au domaine skiable de la commune. En se bornant à soutenir que ces parcelles sont impropres aux équipements liés au domaine skiable, les requérants ne mettent pas la cour à même d’apprécier si ce classement serait entaché d’une erreur manifeste d’appréciation. Leur intégration au domaine skiable de la commune, qui ne fait nullement obstacle à l’activité d’alpage en période estivale, n’est pas de nature à compromettre le maintien ou le développement des activités agricoles. La circonstance que le règlement du PLU autorise, dans les secteurs de domaine skiable, » les ouvrages techniques nécessaires au fonctionnement des services publics ou d’intérêt collectif « , comme d’ailleurs et pour l’ensemble des secteurs Aa » les travaux, constructions, et installations » qui leur sont nécessaires, ainsi que l’y autorise le deuxième alinéa de l’article R. 123-7 du code de l’urbanisme, ne suffit pas à établir que la délibération attaquée ne serait pas compatible avec les principes énoncés par les dispositions citées au point 9.
11. Il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin d’examiner les fins de non-recevoir opposées à la demande de première instance, que M. et Mme C… et autres ne sont pas fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que les requérants demandent au titre des frais qu’ils ont exposés soit mise à la charge de la commune de Megève, qui n’est pas partie perdante. En application de ces mêmes dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge des requérants le versement d’une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune de Megève.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme C… et autres est rejetée.
Article 2 : M. et Mme C… et autres verseront la somme de 1 500 euros à la commune de Megève au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A… C… et à la commune de Megève.
Délibéré après l’audience du 4 février 2020 à laquelle siégeaient :
Mme F… G…, présidente de chambre,
M. Thierry Besse, président-assesseur,
Mme E… D…, première conseillère.
Lu en audience publique, le 25 février 2020.