Master 2 "Droit de la Montagne" - UGA USMB
Moniteur de ski britannique – Distinction entre libre prestation de services et liberté d’établissement
04/04/2022, Master 2 "Droit de la Montagne" - UGA USMB
CAA de LYON, 6ème chambre, 17/03/2022, 20LY02340, Inédit au recueil Lebon
Président
POURNY
Rapporteur
Mme Emmanuelle CONESA-TERRADE
Rapporteur public
Mme COTTIER
Avocat(s)
PLANES
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B… A… a demandé au tribunal administratif de Grenoble d’annuler la décision du 17 octobre 2017, par laquelle le préfet de l’Isère a rejeté sa déclaration de libre prestation de services pour l’exercice de l’activité de moniteur de ski alpin et a refusé de lui délivrer un récépissé de déclaration, et de condamner l’Etat à lui verser les sommes de 150 000 euros au titre de son préjudice moral et de 135 000 euros au titre de son préjudice économique.
Par un jugement n° 1707289 du 5 mars 2020, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du 17 octobre 2017 du préfet de l’Isère et condamné l’Etat à verser à M. A… une indemnité de 1 000 euros.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 17 août 2020, la ministre chargée des sports demande à la cour :
1°) d’annuler ce jugement du 5 mars 2020 du tribunal administratif de Grenoble ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A….
Elle soutient que :
* l’exercice de l’activité de moniteur de ski pendant les quatre mois de la saison française remplit la condition de durée d’un libre établissement et emporte la qualification juridique de » l’établissement » d’un ressortissant de l’Union pour l’exercice de l’activité sur le territoire français ; la profession de moniteur de ski alpin est spécifique car saisonnière ;
* c’est par une inexacte application des dispositions de l’article R. 212-88 du code du sport que le tribunal a jugé que le préfet de l’Isère avait commis une erreur de droit en requalifiant la déclaration de libre prestation de services de M. A… en libre établissement ;
* c’est à tort que le tribunal a jugé que le préfet de l’Isère avait omis de combiner le critère jurisprudentiel de la durée de l’activité avec les critères de fréquence, de périodicité et de continuité de la prestation, alors que la demande de M. A… d’exercer l’activité de moniteur de ski pendant les quatre mois de la haute saison remplit les conditions de durée, de fréquence, de périodicité et de continuité et ne relève pas d’une prestation de service temporaire ou occasionnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 novembre 2020, M. B… A…, représenté par Me Planes, conclut au rejet de la requête, et demande à la cour :
1°) de confirmer le jugement en tant qu’il annule la décision du 17 octobre 2017 ;
2°) d’ordonner à la ministre chargée des sports de lui délivrer le récépissé de déclaration d’activité dans le cadre d’une libre prestation de services, et de condamner l’Etat à lui verser une somme de 50 000 euros en réparation de son préjudice moral et une somme de 165 000 euros en réparation de son préjudice économique ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 2 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. A… expose que :
* aucun des moyens soulevés par la requérante n’est fondé ;
* le préfet n’a pas respecté la procédure, et a commis un abus de droit en s’opposant à la reconnaissance de ses qualifications et à l’exercice de son activité ;
* il y a lieu pour la cour de tirer les conséquences du rejet du recours exercé par le ministre contre le jugement du 5 mars 2020 au regard des délais écoulés en application de l’article R. 212-93 du code du sport puisqu’en l’absence de réaction de l’autorité compétente dans les délais fixés aux deuxième et troisième alinéas de cet article, sa qualification est implicitement reconnue et il est en droit d’obtenir la délivrance de son récépissé, et la prestation de services peut être effectuée ; un délai de plus de deux mois s’est écoulé entre la réception de son dossier complet le 1er aout 2017 et le rejet de son recours gracieux le 17 octobre 2017 ;
* en se fondant sur le seul critère de la durée d’exercice de l’activité, sur la saison hivernale, la décision est entachée d’erreur de droit au regard des critères jurisprudentiels de fréquence, périodicité et continuité de l’activité exercée ; l’activité de moniteur de ski ne relève d’aucun régime particulier ;
* selon la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, qui s’impose aux services préfectoraux, l’exigence d’un établissement stable est en fait la négation même de la liberté de prestation de services ;
* des récépissés de déclarations de libre prestation de service ont été délivrés à des ressortissants de l’Union européenne pour une durée de 6 mois ou d’un an de l’autorisation sans requalification en déclaration de libre établissement ;
* l’article 5.1 de la directive prohibe toute restriction à la libre prestation de services pour des raisons relatives aux qualifications professionnelles ; cette décision, en portant une atteinte majeure à la libre circulation d’un ressortissant européen, lui a causé un préjudice moral du fait de son caractère discriminatoire, et un préjudice économique du fait du refus illégal d’accès au marché du travail en France, au profit de ses concurrents qui ont pu capter une clientèle lucrative sur la station de Méribel.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
– le Traité de fonctionnement de l’Union européenne ;
– la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles modifiée par la directive 2013/55/UE du Parlement européen et du Conseil du 20 novembre 2013 ;
– le code du sport ;
– l’ordonnance du 22 décembre 2016 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles de professions réglementées ;
– le décret n° 2017-1270 du 9 août 2017 portant adaptation au droit de l’Union européenne relatif à la reconnaissance des qualifications professionnelles pour l’exercice des professions d’éducateur sportif et d’agent sportif ;
– le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme Conesa-Terrade, première conseillère,
– les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un courrier du 29 juillet 2017, reçu le 1er août 2017, M. B… A…, ressortissant britannique, a sollicité du préfet de l’Isère la délivrance du récépissé de déclaration de libre prestation de services prévu à l’article R. 212-93 du code du sport, pour l’exercice en France de l’activité de moniteur de ski alpin du 16 décembre 2017 au 16 avril 2018. Par une décision, datée du 9 août 2017, notifiée le 16 août 2017 à l’intéressé, le préfet de l’Isère estimant que sa demande ne relevait pas du régime de libre prestation de service a refusé de lui délivrer le récépissé sollicité en l’invitant à compléter le formulaire de libre établissement en vue d’instruire sa demande dans le cadre de cette procédure prévue aux articles R. 212-88 à R. 212-91 du code du sport. Estimant que l’exercice en France de l’activité de moniteur de ski alpin durant la saison hivernale relevait de la libre prestation de service, M. A… a formé un recours gracieux rejeté par le préfet de l’Isère par décision du 17 octobre 2017, notifiée le 23 octobre 2017. Estimant avoir subi un préjudice moral et économique à raison du rejet de son recours gracieux par l’autorité administrative compétente, M. A… a, par un courrier du 5 décembre 2017, adressé une réclamation indemnitaire à hauteur d’un million d’euros avant de saisir le tribunal administratif de Grenoble, qui par jugement du 5 mars 2020, a annulé la décision préfectorale du 17 octobre 2017 et condamné l’Etat à verser à M. A… une somme de 1 000 euros en réparation de son préjudice moral. Par le présent recours, la ministre des sports relève appel de ce jugement dont elle demande l’annulation pour erreur de droit. Par un mémoire incident, M. A… demande à la cour de confirmer le jugement attaqué, en tant qu’il a prononcé l’annulation de la décision litigieuse, et de réformer ce jugement, en ordonnant à l’autorité administrative compétente de lui délivrer le récépissé de libre prestation de services sollicité et en condamnant l’Etat à l’indemniser à hauteur de 50 000 euros et de 165 000 euros en réparation respectivement de son préjudice moral et de son préjudice économique.
Sur le moyen d’annulation retenu par le jugement attaqué :
2. Aux termes de l’article L. 212-1 du code du sport dans sa version applicable à l’espèce : » I. -Seuls peuvent, contre rémunération, enseigner, animer ou encadrer une activité physique ou sportive ou entraîner ses pratiquants, à titre d’occupation principale ou secondaire, de façon habituelle, saisonnière ou occasionnelle, sous réserve des dispositions du quatrième alinéa du présent article et de l’article L. 212-2 du présent code, les titulaires d’un diplôme, titre à finalité professionnelle ou certificat de qualification : 1° Garantissant la compétence de son titulaire en matière de sécurité des pratiquants et des tiers dans l’activité considérée ; (…) II. -Le diplôme mentionné au I peut être un diplôme étranger admis en équivalence. (…) « . Aux termes de l’article L. 212-7 du même code : » Les fonctions mentionnées au premier alinéa de l’article L. 212-1 peuvent être exercées sur le territoire national par les ressortissants des Etats membres de l’Union européenne ou des Etats parties à l’accord sur l’Espace économique européen, qui sont qualifiés pour les exercer dans l’un de ces Etats. Ces fonctions peuvent également être exercées, de façon temporaire et occasionnelle, par tout ressortissant légalement établi dans un Etat membre de l’Union européenne ou dans un Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen. Toutefois lorsque l’activité concernée ou la formation y conduisant n’est pas réglementée dans l’Etat d’établissement, le prestataire doit l’avoir exercée, dans un ou plusieurs Etats membres de l’Union européenne ou parties à l’accord sur l’Espace économique européen, à temps plein pendant au moins une année ou à temps partiel pendant une durée totale équivalente, au cours des dix années qui précèdent la prestation. Un décret en Conseil d’Etat fixe les conditions d’application du présent article et notamment les conditions auxquelles cet exercice est soumis lorsqu’il existe une différence substantielle de niveau entre la qualification dont les intéressés se prévalent et celle requise en application du I de l’article L. 212-1. Ce décret précise notamment la liste des activités dont l’encadrement, même occasionnel, peut être subordonné, si la sécurité des personnes l’exige compte tenu de l’environnement spécifique et des conditions dans lesquelles elles sont pratiquées, au contrôle préalable de l’aptitude technique des demandeurs et de leur connaissance du milieu naturel, des règles de sécurité et des dispositifs de secours. Ce décret précise également les conditions et les modalités de l’accès partiel à la profession d’éducateur sportif. « . En application de l’article R. 212-91 du code du sport, les activités relatives au ski et ses dérivés relèvent des activités s’exerçant en environnement spécifique au sens des dispositions précitées de l’article L. 212-1 du code du sport.
3. D’une part, aux termes de l’article R. 212-88 de ce même code : » Tout ressortissant d’un Etat membre de l’Union européenne ou d’un autre Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen qualifié pour y exercer tout ou partie des activités dans les fonctions mentionnées à l’article L. 212-1 conformément aux conditions mentionnées à l’article R. 212-90 et qui souhaite s’établir sur le territoire national à cet effet doit en faire préalablement la déclaration au préfet du département dans lequel il compte exercer son activité à titre principal. Toutefois, lorsque la déclaration porte sur une activité s’exerçant en environnement spécifique au sens des dispositions de l’article L. 212-7, le préfet compétent est précisé par arrêté du ministre chargé des sports. La liste des pièces nécessaires à la déclaration d’activité et à son renouvellement est fixée par arrêté du ministre chargé des sports. Le préfet vérifie le dossier de demande et en accuse réception dans le mois suivant sa réception dès lors que celui-ci est complet, ou, le cas échéant, demande au déclarant de le compléter dans un délai d’un mois. A défaut, la demande est déclarée irrecevable. La déclaration est renouvelée tous les cinq ans. Le préfet est informé de tout changement de l’un des éléments qui y figure. « .
4. D’autre part, aux termes de l’article R. 212-92 du code du sport : » Sous réserve d’avoir adressé au préfet une déclaration dans les conditions prévues au présent article, peuvent exercer sur le territoire national tout ou partie des activités mentionnées à l’article L. 212-1, à titre temporaire et occasionnel et sans y être établis, les ressortissants d’un Etat membre de l’Union européenne ou d’un autre Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen légalement établis dans l’un de ces Etats pour y exercer les mêmes activités et qui, dans le cas où ni ces activités ni la formation y conduisant n’y sont réglementées, les ont exercées dans un ou plusieurs Etats membres à temps plein pendant au moins une année ou à temps partiel pendant une durée totale équivalente, au cours des dix années précédant la prestation (…) La déclaration est renouvelée tous les ans. Le préfet est informé de tout changement de l’un quelconque des éléments qui y figurent. (…) « .
5. Il résulte des dispositions précitées que l’exercice sur le territoire national, à titre temporaire et occasionnel et sans y être établis, d’une activité mentionnée à l’article L. 212-1 du code du sport dans le cadre de la libre prestation de services prévu par les dispositions des articles R. 212-92 à R. 212-94, s’applique aux ressortissants de l’Union européenne ou d’un autre Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen légalement établis dans l’un de ces Etats pour y exercer les mêmes activités. Lorsque le ressortissant d’un Etat membre de l’Union européenne ou d’un autre Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen, qualifié pour y exercer tout ou partie des activités dans les fonctions mentionnées à l’article L. 212-1 conformément aux conditions mentionnées à l’article R. 212-90, souhaite s’établir sur le territoire national à cet effet, au sens des dispositions de l’article R. 212-88 du code du sport, il doit en faire préalablement la déclaration au préfet du département dans lequel il compte exercer son activité à titre principal.
6. Il est toujours loisible à la personne intéressée, sauf à ce que des dispositions spéciales en disposent autrement, de former à l’encontre d’une décision administrative un recours gracieux devant l’auteur de cet acte et de ne former un recours contentieux que lorsque le recours gracieux a été rejeté. L’exercice du recours gracieux n’ayant d’autre objet que d’inviter l’auteur de la décision à reconsidérer sa position, un recours contentieux consécutif au rejet d’un recours gracieux doit nécessairement être regardé comme étant dirigé, non pas tant contre le rejet du recours gracieux dont les vices propres ne peuvent être utilement contestés, que contre la décision initialement prise par l’autorité administrative. Il appartient, en conséquence, au juge administratif, s’il est saisi dans le délai de recours contentieux qui a recommencé de courir à compter de la notification du rejet du recours gracieux, de conclusions dirigées formellement contre le seul rejet du recours gracieux, d’interpréter les conclusions qui lui sont soumises comme étant aussi dirigées contre la décision administrative initiale.
7. Au cas d’espèce, il ressort de la lecture de la décision contestée, que le préfet de l’Isère a refusé de délivrer à M. A… le récépissé de déclaration de libre prestation de service pour l’exercice de l’activité de moniteur de ski alpin sollicité au motif que sa déclaration relevait de la procédure de libre établissement.
8. Le tribunal administratif de Grenoble a annulé cette décision pour erreur de droit au motif que si la durée d’exercice de l’activité sur le territoire français constitue un indice permettant de déterminer le régime juridique applicable à cette déclaration, et ainsi éviter tout détournement de procédure, le préfet de l’Isère ne pouvait se fonder exclusivement sur la seule durée de la prestation envisagée pour la requalifier en souhait d’établissement en France sans la combiner avec les autres critères jurisprudentiels liés notamment à la fréquence et la continuité de l’exercice de cette activité. Les premiers juges ont, également, relevé qu’alors qu’il n’était pas contesté que M. A… n’avait pas déposé de déclaration au titre des années précédentes pour exercer l’activité de moniteur de ski en France, aucun élément figurant sur sa déclaration de libre prestation de services ne manifestait sa volonté de s’établir en France à titre principal et, que s’agissant d’une première déclaration et non de déclarations systématiquement renouvelées chaque année, M. A… ne pouvait à ce stade, être regardé comme souhaitant exercer cette activité professionnelle en France de façon stable et continue. Ils en ont déduit qu’en estimant que la déclaration de M. A… relevait de la procédure de libre établissement et non de la libre prestation de services au seul motif qu’elle portait sur une période de quatre mois correspondant à la saison hivernale de ski en France, le préfet de l’Isère avait commis une erreur d’appréciation.
9. Toutefois, il ressort de la lettre même des dispositions des articles R. 212-88 à R. 212-91 du code du sport, issues de la transposition en droit interne de la directive 2013/55/UE du 20 novembre 2013 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles au sein de l’Union européenne et de l’Espace économique européen par l’ordonnance du 22 décembre 2016, qui régissent les conditions d’exercice des activités réglementées dont font partie les activités d’éducateur sportif s’exerçant en environnement spécifique, à l’instar du ski alpin, au sens des dispositions précitées des articles L. 212-7 et R. 212-91, que ce qui permet de déterminer le régime de déclaration applicable à un ressortissant de l’Union européenne souhaitant exercer en France la profession de moniteur de ski, dans le cadre de la libre prestation de service prévue aux articles R. 212-92 à R. 212-94 du code du sport, ou du libre établissement prévu aux articles R. 212-88 à R. 212-1 du même code, dépend de son éventuel établissement dans son Etat membre d’origine ou dans un autre Etat membre de l’Union européenne ou un Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen. Si l’intéressé est légalement établi, pour l’exercice de cette activité, dans un autre Etat membre et qu’il remplit les conditions de qualifications professionnelles requises sur le territoire français, il peut déclarer l’exercice à titre temporaire et occasionnel en France, sans y être établi, de cette même activité dans le cadre de la libre prestation de service. Dans le cas contraire, il relève de la procédure de libre établissement.
10. Au cas d’espèce, M. A…, qualifié au Royaume-Uni, n’établit ni même n’allègue être légalement établi dans son Etat membre d’origine pour exercer l’activité de moniteur de ski, ni être légalement établi pour cet exercice dans un autre Etat membre de l’Union européenne ou un Etat partie à l’accord de l’Espace économique européen. Dans ces conditions, sa situation relevait de la procédure de déclaration obligatoire prévue à l’article R. 212-88 et suivants du code du sport, par un ressortissant de l’Union européenne souhaitant s’établir en France pour exercer l’activité de moniteur de ski alpin pour la saison hivernale. La circonstance que sa déclaration portait sur l’exercice de l’activité de moniteur de ski de manière continue sur toute la saison hivernale atteste qu’il souhaitait exercer cette activité sur le territoire national dans le cadre d’un établissement au sens des dispositions précitées de l’article R. 212-88 du code du sport, et non à titre temporaire et occasionnel sans y être établi, en application des dispositions de l’article R. 212-92 du même code.
11. Dans ces conditions, le préfet de l’Isère a pu, sans entacher sa décision d’erreur de droit ni d’une erreur d’appréciation de la situation de M. A…, refuser de lui délivrer le récépissé de déclaration de libre prestation de service sollicité au motif que sa déclaration ne relevait pas de cette procédure définie aux articles R. 212-92 à R. 212-94 du code du sport, et l’inviter à déposer une déclaration de libre établissement dans les conditions prévues aux articles R. 212-88 à R. 212-91 du code du sport, dès lors qu’il ressort des pièces du dossier que l’intéressé entendait exercer cette activité à titre principal dans le département de l’Isère conformément aux dispositions de l’article R. 212-88 du code.
12. Par suite, la ministre chargée des sports est fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé pour ces motifs la décision préfectorale du 17 octobre 2017.
13. Par l’effet dévolutif de l’appel, il y a lieu pour la cour d’examiner les moyens soulevés en première instance et en appel, au soutien de la demande.
14. M. A… soutient que sa demande relève de la procédure de libre prestation de services et que le préfet de l’Isère ne pouvait, pour refuser de lui délivrer le récépissé sollicité et l’obliger à recourir à la procédure de libre établissement, se fonder sur la seule durée d’exercice de l’activité de moniteur de ski, sollicitée pour la saison hivernale, sans combiner ce critère aux critères de fréquence, périodicité et continuité retenue par la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne. Toutefois, si, par son arrêt du 30 novembre 1995, 55/94 Gebhard, la Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit que le caractère temporaire de la prestation de services, prévu par l’article 60, troisième alinéa du traité CE, est à apprécier en fonction de sa durée, de sa fréquence, de sa périodicité et de sa continuité, cette définition jurisprudentielle de la libre prestation de service est sans incidence sur la qualification de libre établissement de la procédure à laquelle M A… est tenu en application des dispositions du code du sport portant transposition de la directive 2013-55/U dont relève l’activité de moniteur de ski eu égard aux conditions dans lesquelles il entend l’exercer à titre principal. Le moyen tiré de ce que ce faisant le préfet de l’Isère l’obligerait à établir un établissement stable en France est inopérant, cette notion d’établissement stable n’ayant aucune application ici.
15. En outre, M. A…, relevant de la procédure de libre établissement qui en application de l’article R. 212-90-2 dans sa rédaction issue du décret du 9 août 2017 susvisé, ne peut utilement se prévaloir des dispositions du 7ème alinéa de l’article R. 212-93 du code du sport relatives à la libre prestation de services. Au demeurant, la décision du 17 octobre 2017 prise sur recours gracieux à l’encontre de la décision du 16 août 2017 par laquelle le préfet de l’Isère a rejeté sa déclaration comme irrecevable en indiquant à l’intéressé que sa demande relevait de la procédure, n’a fait naître aucune reconnaissance implicite de ses qualifications.
16. Le moyen tiré de la méconnaissance de l’article 5.1 de la directive prohibant toute restriction à la libre prestation de services pour des raisons relatives aux qualifications professionnelles est inopérant s’agissant d’une profession réglementée. Pour le même motif, le moyen tiré de l’atteinte majeure portée par le préfet de l’Isère à la libre circulation d’un ressortissant européen n’est pas fondé.
17. Par suite, les moyens tirés de l’irrégularité de la procédure, d’un abus de droit et de l’existence d’une décision illégale et fautive doivent être écartés comme non fondés.
18. Dès lors, sans qu’il soit besoin de statuer sur l’existence d’un lien de causalité direct et certain et sur l’existence même des préjudices allégués, la demande de réparation des préjudices moral et économique à raison de la décision litigieuse ne peut qu’être rejetée.
19. Il résulte de tout ce qui précède que la demande de M. A… doit être rejetée dans toutes ses conclusions. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d’injonction et de condamnation de l’Etat à réparation de ses préjudices, ensemble ses conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du 5 mars 2020 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.
Article 2 : La demande et les conclusions de M. A… présentées en appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre chargée des sports et M. B… A….