Atelier de formation
Enjeux et prospective du tourisme en montagne Vercors Nord
Du 01/10/2020 au 01/10/2020
Par Allesandra Villa
0. Trois jours en immersion
Hysteron proteron ayant valeur de défi pour nos habitudes d’apprentissage, nous avons entamé cette UE par la pratique, avec trois jours d’enquête sur le terrain, avant de passer à la phase théorique, bien au chaud dans notre salle de cours à l’IUGA.
Au cours de ce séjour tonifiant sur le plateau du Vercors, nous avons pu rencontrer des acteurs significatifs du territoire, selon un planning bien rempli : Didier Lalande, directeur Adjoint de l’OT Intercommunal du Vercors; Sophie Valeron, entrepreneuse pluriactive, fondatrice de Vercors Cuir ; Thierry Gamot, maire d’Autrans et président de Nordic France ; et puis Perrine Faillet, qui nous a ouvert les portes de La Jolie Colo, des ateliers et des bureaux situés dans la remarquable bâtisse de l’association, et les acteurs qui nous ont rejoints au gîte de Corrençon pour partager un apéro et une tempête d’idées innovantes ou reçues sur le Vercors et son avenir touristique, et pas que. Mais nous avons également eu le temps de rencontrer les habitants, et notamment les commerçants de Villard-de-Lans, au contact parfois fuyant, mais dont les propos nous ont fourni maintes pistes de réflexion ; et enfin, tout au long de ce séjour, nous avons pu observer, explorer, humer un territoire aux enjeux variés et aux équilibres instables, du Balcon de Villard au plateau ensoleillé d’Autrans.
1. Portrait d’un territoire
Pour notre stage de terrain, le nord du Vercors offre des atouts incontestables : un territoire assez petit pour être parcouru dans le temps imparti, assez unitaire et homogène pour assurer la cohérence de l’étude, mais assez articulé et contrasté en son sein pour offrir un terrain de jeu varié.
Les changements climatiques et sociaux qui marquent notre époque et promettent des mutations profondes dans le futur proche ont un impact majeur sur ce territoire, qui est de ce fait un laboratoire grandeur nature pour l’application et le développement de la réflexion sur la transition. A côté d’une station au passé glorieux et aujourd’hui en pleine mutation, un ensemble immobilier vieillissant qui se cherche une nouvelle identité, dans une zone touristique qui se transforme en lieu de vie et où s’installent des migrants d’agrément et des néo-ruraux en quête de calme ou d’un nouveau départ, mais également où se fixe un tourisme familiale et/ou chic, et/ou attentif aux exigences écologiques.
Les différentes parties de ce territoire composite se diversifient et se spécialisent, en poursuivant de fait une lancée déjà tracée qui distingue nettement, sur un axe nord-sud, le haut du plateau du Vercors, en deçà et au delà du col de la Croix Perrin : Lans-en-Vercors, Villard-de-Lans, Corrençon-en-Vercors d’un côté, Méaudre et Autrans de l’autre. Entre barres d’immeubles avec vue sur des pentes de plus en plus grisonnantes malgré la parade d’enneigeurs, stations-villages où les habitants se renouvellent au gré des vagues de migrations saisonnières ou cycliques, et villages de chalets ‘authentiques’, le paysage raconte l’histoire de ce haut-plateau et indique ses perspectives encore incertaines.
Incertaines sur l’avenir de l’activité touristique, qui a marqué pendant des décennies l’économie de la région et qui se trouve aujourd’hui à la croisée des chemins. Entre le développement du Parc Naturel Régional du Vercors et de ses Réserves Naturelles, les différentes aspirations des stations de ski alpin (Lans, Villard, Méaudre, Autrans), l’affirmation du ski de fond et des activités nordiques (Corrençon, encore Autrans), l’émergence de nouvelles pratiques ludiques et sportives soft, plus en syntonie avec le changement climatique et avec les nouvelles attentes des touristes et des résidents, la perplexité, la peur voire le déni accompagnent une mutation probablement radicale de l’éventail des activités touristiques proposées, voire du système tout entier.
Mais le tourisme n’est pas le seul enjeu de ce laboratoire : les incertitudes planent également sur l’avenir de l’ensemble des activités économiques et sur la conception même du vivre ensemble dans ce territoire: le phénomène désormais macroscopique des migrations d’agréments se soude avec une réinterprétation de la résidence secondaire, de moins en moins lieu de vacances ‘à fond’, et de plus en plus refuge où l’on emporte son quotidien, et produit des nouveaux profils d’habitants du Vercors, plus mobiles, moins contraints par les dates des vacances scolaires, parfois créateurs d’activités plus ou moins innovantes e de nouvelles formes d’agrégation sociale, mais également perturbateurs du marché immobilier et facteurs de pression sur le milieu forestier et agricole, potentiellement perçus comme des ‘corps étrangers’ par les résidents déjà installés.
Dans ce panorama en noir et blanc, les solutions qui sont conçues, proposées et expérimentées par les acteurs locaux déploient toute une palette de couleurs, qui ne se mélangent pas forcément de manière harmonieuse. Les deux vallées parallèles semblent jeter deux regards différents sur le monde, mais leurs forces et leurs faiblesses actuelles peuvent s’inverser à moyen terme, sous l’effet des chamboulements de notre époque. Elles ne fonctionnent pas d’ailleurs en vases clos, et les idées élaborées dans la partie la moins économiquement développée, moins connectée avec la métropole grenobloise et moins liée au tourisme de masse, peuvent devenir des solutions pour l’ensemble du territoire.
2. Les facteurs d’une mutation globale et locale
«Le changement climatique est un facteur de mutation radicale et très rapide. Les solutions conçues il y a cinq ans sont aujourd’hui obsolètes». Le décor est ainsi posé par Didier Lalande, qui nous accueille à notre arrivée à Villard-de-Lans, plaque tournante des deux premiers jours de notre pérégrination et centre principal du plateau.
Les mutations des pratiques touristiques liées au changement climatique qui marque notre temps, voire notre ère, constituent une menace très concrète au modèle de station tout compte fait classique qu’est Villard-de-Lans: une station pionnière, avant-gardiste dès les années Cinquante, et encore à l’époque héroïque du développement des sports d’hiver en France et de tout un système touristique basé sur l’économie du ski (apprentissage, production de matériel, mais aussi mise en place d’infrastructures générique et spécialisées, promotion de projets immobiliers avec explosion des lits touristiques en altitude). Dans les année ‘80, les frères Huillier, propriétaires historiques des remontées mécaniques de Villard-de-Lans, ont été les premiers à expérimenter l’enneigement artificiel , véritable graal des stations des ski, soumises, dans un premier temps, à une course à la rentabilité que l’augmentation des jours skiés rendait possible (l’enneigement de culture promettait de tripler les 40 jours skiables que l’enneigement naturel fournissait en moyenne), et puis de plus en plus engagées dans une course contre le changement climatique, qui diminue radicalement l’enneigement saisonnier, notamment dans les zones de moyenne montagne, comme le Vercors, et qui surtout empêche les enneigeurs de tourner, faute de températures assez basses, en particulier dans une région où les vents du sud soufflent chaudement, en annihilant les efforts de la production artificielle. La promesse du contrôle total de l’or blanc se transforme ainsi en un gaspillage désespérant d’énergies et de ressources.
Depuis notre point d’observation au Balcon de Villard, ce lundi 6 janvier, nous regardons perplexes les fins monticules de neige de culture qui jalonnent une piste désolément brunâtre, où les cicatrices laissées par les pelleteuses s’entrecroisent avec les tuyaux et les talus. Le téléphérique et les télésièges amènent les rares skieurs de cette période post-vacances vers le haut de la station, la Côte 2000, où le blanc prendra, on l’espère, le dessus sur le gris. Mais on ne peut s’empêcher de se demander jusqu’à quand, et à quel prix.
La barre d’immeuble du Balcon, tristounette et trop massive malgré une certaine allure et un souvenir de modernité d’antan, aligne à sa base des commerces pour la plupart fermés, des bars et des restaurants vieillots, des magasins de location endormis. Le cinéma, on nous dit, a fermé il y a longtemps et la grande salle, prévue pour égayer les touristes en multipropriété et les familles en résidence secondaire, est à l’abandon, nouée sous les infiltrations. Les volets des appartements, que l’on devine tout petits, sont pour la plupart fermés, et souvent en mauvais état. On imagine les longs couloirs vides et inquiétants, ambiance Shining assurée. On assiste à la fin d’une époque, la porte semble se refermer sur les jours fastes de l’une des premières stations-village, siège des épreuves de luge aux Jeux Olympiques de 1968, dont ici on cultive un orgueil inébranlable. Sur cette histoire finalement récente s’est façonné une identité locale forte, incarnée par la figure mythique, et pourtant bien réelle, du moniteur- paysan.
Lorsqu’on discute avec un panel d’acteurs locaux triés sur le volet pour nous donner un aperçu critique des forces en place, on entend à quel point il est difficile de refermer cette parenthèse, même si presque tous sont lucides sur les causes et les conséquences des phénomènes qui sont en train de modifier le mode de vie de ce haut-plateau.
«On ne crache pas dans la soupe», dit Cécile, monitrice historique de l’ESF de Corrençon et actrice engagée à contre-courant dans la réorganisation de son secteur d’activité, comme dans la vie politique du territoire. Fière des six générations de sa famille qui reposent au cimetière local, et du haut de ses soixante ans, qu’elle ne cesse de rappeler avec orgueil et une pointe d’amertume, elle revendique l’expérience et le recul nécessaires pour mettre en garde les plus jeunes sur l’inéluctabilité du changement à venir, et sur les efforts et les sacrifices qui seront nécessaires pour s’adapter. S’adapter de façon opportuniste, certes, en recadrant l’activité classique sur les Club Piou Piou, plébiscités par des parents désireux de transmettre les bases de la discipline sportive à leur rejetons, autant que d’être débarrassés de leur garde le temps d’une bonne descente ou d’un jacuzzi avec vue. Mais s’adapter également en reconsidérant tout le système des activités proposées, et leur relation avec les habitants.
Cette adaptation indispensable est bien présente également dans l’esprit de Manu, responsable du bureau de l’ONF du Vercors, et d’Anne-Laure, fondeuse et bi-athlète de haut niveau, installée dans la région depuis sa Haute Savoie natale. Seulement Hervé, champion de ski de fond et longtemps responsable de la course Transjurassienne, considère que, concernant l’enneigement, «il y a toujours eu des bonnes et de mauvaises années, il suffit de demander aux anciens», pour finalement rejoindre, un peu à contre-coeur, les autres sur la nécessité de mobiliser des idées pour changer les mentalités des touriste et des locaux.
Et pourtant, pour l’instant, la baraque tourne, tout en prenant un nouveau virage. Le rachat de la SEVLC des frères Huillier par la société Infinity Nine Mountain de Tony Parker ouvre des nouvelles perspectives au domaine et à tout le plateau. Bien que l’on ne connaisse que les très grandes lignes du projet, l’arrivée d’une star planétaire dans le Vercors fait vibrer les coeurs. Se profile un changement de modèle d’exploitation, avec le développement d’une station-resort à l’américaine, où la société gérante est propriétaire et contrôle toutes les activités économiques dans le périmètre de la station, des remontées mécaniques aux restaurants, des divertissements aux magasins de location. Cela change également le rapport avec le territoire et ses habitants, mais pas le système, le paradigme touristique. La volonté affichée d’exploiter la station toute l’année, et donc de différencier au maximum les activités sportives et ludiques ayant pour cible surtout les familles, répond d’une certaine manière à l’impératif d’adaptation au changement climatique, mais sans renoncer en principe au noyau dur des activités d’une station de sport d’hiver: le ski alpin.
La plupart des habitants voient d’un très bon oeil cette initiative, qu’ils considèrent presque unanimement comme une opportunité de relance économique et comme une garantie de la pérennité d’un modèle fédérateur et fondateur de l’identité locale. Laurent, patron du Central Bar à Villard, admet ne rien connaître aux détails de l’opération, mais il est sûr que la renommée international de Tony Parker suffira à «emmener du monde». Gérard, la trentaine, touriste belge qui passe une semaine entre copains dans un chalet prêté par la famille, n’a pas de doute non plus sur l’attention que l’initiative du basketteur va attirer sur le Vercors. Au risque d’un joli faux syllogisme, il pense que «les gens vont se demander ce qu'il y a de plus ici pour qu'il y vienne ».
La perspective de la stabilisation voire de la création de postes de travail saisonnier ou à l’année, mirage largement alimenté par une méconnaissance assez répondue parmi les personnes interviewées de la réelle répartition des postes de travail sur le territoire (qui dans la réalité sont bien moins concentrés dans le secteur touristique que ce que l’on croit), fait passer au second plan les menaces potentielles que ce projet implique, pour la fragilité de son modèle touristique face au changement climatique, pour l’impact sur l’écosystème montagnard, et surtout pour les délicats équilibres socio-économiques d’une initiative commercial qui repose avant tout sur la création substantielle de nouveaux lits touristiques, quand l’un des problèmes majeurs de la station concerne les lits froids et la dégradation du foncier existant. Un problème qui est d’ailleurs largement partagé par la plupart des stations de sports d’hiver en France.
Bientôt, les coûts d’opportunité (ou les coûts tout court) mettront en question la stabilité du modèle. La gestion des saisonniers posera également problème, lorsque les journées d’ouverture des domaines ne seront plus suffisantes pour attirer les travailleurs. Il faudra alors choisir si continuer de creuser le trou ou l’utiliser pour jeter les fondations d’un nouvel édifice.
Si l’arrivée de Tony Parker et les changements sans aucun doute importants que l’opération de sa société vont produire dans le marché touristique de la région concentrent les regards de tous, pour Didier Lalande «le vrai défi aujourd’hui dans le Vercors est l’équilibre entre les ‘locaux’, les ‘migrants’ et les touristes», à savoir les habitants de longue date, ‘de souche’, ‘qui ont plusieurs générations au cimetière’, selon l’expression plusieurs fois entendue; les néo-ruraux, les migrants d’agrément; et les touristes ‘classiques’ qui ‘montent’ pour la journée ou pour un séjour en location ou dans leur résidence secondaire. Un défi pris à bras le corps par l’Office de tourisme dont Didier a la charge et qui est bien clair dans l’esprit des administrateurs, mais qui ne ressort pas avec la même netteté chez les habitants interviewés. Chez ces derniers, les ‘touristes’ ont presque toujours meilleure presse que les migrants. «Les touristes amènent de l’argent, et puis s’en vont», sans gêner et sans interférer dans l’organisation de la vie locale, confient les boulangères de La ronde des pains, en face du monument au morts. Ils en parlent avec un brin de dédain, mais finalement les locaux sont habitués aux va-et-vient pendulaires de cette population en quête d’activités sportives, du bon air et de détente, qui garantit le travail saisonnier et toutes les activités économiques annexes. Ses espaces sont bien définis et, le soir venu ou la saison achevée, le Vercors reprend son rythme tranquille et bucolique. Les pics de pollution, la chape d’air gris qui stagne sur le plateau aux grandes heures des chassées-croisés sont un moindre mal, le prix à payer pour faire tourner l’économie. Les résidents secondaires sont en général assimilés aux touristes, et ne suscitent pas une méfiance particulière.
Les migrants, par contre, s’installent, s’immiscent dans la routine des ‘vrais’ habitants du Vercors, leurs activités perturbent le modus vivendi des ‘locaux’, entrent en conflit avec leurs intérêts et leurs habitudes. Pour le réveillon, les patrons de bars et restaurants fraîchement débarqués (et désireux de rentabiliser leur investissement) sont bien contents de répondre ‘présent !’ à l’invitation de l’Office de tourisme à ouvrir leur établissement jusqu’après minuit? Les ‘locaux’, «rentiers» (comme les définit Didier Lalande) de leur position sur le marché et peu intéressés à augmenter leur chiffre d’affaire (et à rendre la vie locale plus vivace) baissent le rideaux, comme un lundi, à 19h.
Plus royalistes que le roi, presque toutes les personnes qui affichent cette défiance vis-à-vis des ‘néos’ sont en fait elles-mêmes d’anciens ‘néos’. L’une des boulangères raconte être arrivée dans la région il y a quinze ans comme saisonnière, et d’y être restée, «comme beaucoup», pour le calme, la sécurité, la propreté de l’air et pour la qualité de la vie sociale, la «joie de vivre». Presque la même histoire que celle de Monique, opticienne de l’avenue du Général de Gaulle, qui ne trouve nullement contradictoire de considérer les néo-ruraux comme «plus embêtants» que les touristes. Ce sont des ‘corps étrangers’, qui souhaitent s’intégrer au microcosme dont elle considère désormais faire partie, purifiée de la tache de la migration. Les «arrivages» des ces «gens d’en bas», selon ses termes excessivement révélateurs, menacent le mode de vie qu’elle était venue chercher, il y a tant d’années.
Questionnés directement sur les résultats de la greffe de ces nouveaux habitants au sein de la communauté, tous les interviewés mettent en avant une intégration réussie, heureuse, mais on perçoit quand même une certaine réserve. Même Anne-Laure, la fondiste haut-savoyarde, confesse avoir eu du mal à faire son nid ici, et à se faire une place dans la hiérarchie pyramidale, au sommet de laquelle se trouvent toujours les ‘locaux’, de l’ESF, et même dans les structures fédérales.
Cette méfiance ne descend pas seulement d’une réaction presque instinctive, de défense de son pré carré face à une potentielle menace de changement (ce qui est finalement très humain), mais d’au moins deux facteurs concrets, strictement liés à cette vague de migration d’agrément.
En premier lieu, comme on le constate en dialoguant avec l’agent immobilier de la rue de la République, ces migrants ont un pouvoir d’achat bien supérieur à celui de la plupart des ‘locaux’. Jeunes actifs, ingénieurs, créateurs de start-ups sur place, entrepreneurs pouvant travailler à distance, familles qui aspirent à un cadre de vie sain et sécurisé, tout en continuant à faire les aller-retour à Grenoble tous les jours ou plusieurs fois par semaine, leur demande fait léviter les prix de l’immobilier bâti et des terrains constructibles dans tout le nord du Vercors, et notamment dans les zones les plus accessibles depuis Grenoble. Mais le Col de la Croix Perrin est de moins en moins un obstacle orographique ou psychologique pour les candidats à la résidence, qui n’hésitent plus à chercher de meilleures affaires du côté d’Autrans et Méaudre. Les prix d’une maison à Villard village ou d’un chalet à Corrençon sont montés en flèche ces dix dernières années, et la pression sur les terrains disponibles est une forte tentation pour les propriétaires et pour les administrations, toujours heureuses d’accueillir de nouveaux administrés. Les locations suivent cette tendance. Les prix des loyers et de la primo-accession deviennent ainsi «un frein pour les jeunes d’ici», qui quittent le plateau. Le spectre d’un ‘grand remplacement’ inquiète les habitants et menace les équilibres sociaux.
Mais la crainte majeure que l’on perçoit en discutant dans les commerces et dans les rues de Villard est de se faire «dévorer par la Métropole», toujours selon les métaphores très parlantes de Monique. L’exemple de Saint-Nizier-du-Moucherotte, première commune du Vercors en montant de Grenoble, ancienne station olympique, avec son impressionnant tremplin de saut à ski, et désormais intégrée à l’agglomération grenobloise, fait office d’épouvantail dans l’esprit
de beaucoup . ‘Intégrée’, ‘résidentialisée’, ce sont des mots qui sonnent ici comme «engloutie», comme si le monde «d’en bas» était un monstre des abîmes qui avance ses tentacules sur les hauteurs ensoleillées.
Les enjeux du tourisme se mêlent donc de manière inextricable avec la question de la résidentialité, des migrations d’agréments, du développement de services, de l’usage des surfaces agricoles, forestières et constructibles, mais également avec la recherche d’un nouveau pacte social entre les personnes qui se trouvent sur le même territoire au même moment, que cela soit de manière transitoire ou pérenne.
L’époque de transition que nous vivons peut déclencher tout naturellement des peurs, voire des angoisses. Mais la transition est également une formidable occasion pour repenser cet équilibre. Dans un territoire marqué par l’empreinte de l’activité touristique, elle offre l’opportunité de remettre le tourisme à sa place, d’enclencher un ‘suitable development’, c’est-à-dire une démarche partagée et coordonnée qui écarte la fuite en avant comme la passivité.
Bien entendu, tout le monde ne donne pas cependant au tourisme la même place, ni ne souhaite le même type de développement touristique. Un problème de gouvernance se pose et la solution passe par le dialogue entre les forces en place et la prise en compte d’intérêts divergents.
3. Des menaces, ou des opportunités ?
Dans un territoire qui, selon les projections des études du GIEC, sera touché de plein fouet par le changement climatique, l’augmentation des températures et la diminution de l’enneigement annuel sonnent le glas d’une époque et d’un modèle touristique.
Le défi est de transformer, tel une prise de judoka, ses faiblesses en forces. Le mirage d’une activité touristique ‘quatre saisons’, qui depuis des décennies est le mantra des stations de ski en mal de fréquentation en dehors de la grosse saison hivernale et de la petite saison estivale, risque de se concrétiser plutôt par effet de la katastrophè qui est en train de se dérouler que grâce au rêve de tout puissance technologique.
Mais il faut changer de point de vue et de mot d’ordre : de ‘imposer’, à ‘s’adapter’. Le dérèglement des saisons suggère une réorganisation des saisonnalités, à condition de repenser aussi bien la résidentialité que les activités touristiques, dans un territoire où il fait bon habiter toute l’année et qui est candidat à devenir un refuge climatique. De territoire touristique ‘classique’, où l’on va pour pratiquer, à des échéances dictées par le calendrier, une activité en total décalage avec la vie ‘normale’, le Vercors en transition ressemble plutôt à un lieu de vie alternatif, que cette alternative soit temporaire, à court ou à long terme, ou qu’elle s’inscrive dans la durée, dans un changement de rythme, d’activité, de vie.
Le Vercors est un territoire désirable, attrayant, attractif : sa qualité de vie séduit, car elle satisfait aux désirs que les conditions de vie urbaine aujourd’hui frustrent. La preuve par l’afflux des néo-résidents, qui arrivent certes en conquérants, une posture peu amène mais pas tout à fait nouvelle dans l’histoire de la ‘colonisation de la montagne’.
Lorsque ces ‘néos’ ne viennent pas chercher un ermitage luxueux ou spirituel, pour disparaître dans leur retrait bien à l’abri des regards, ils ont tendance à se fondre le plus rapidement possible dans la masse des ‘locaux’. Ils sont socialement actifs, constructifs, apportent une nouvelle dynamique, des nouvelles idées, que même ceux qui regrettent leurs «arrivages» jugent de manière positive, bien contents de pouvoir profiter, par exemple, du club de sport lancé à Villard par les nouveaux arrivants.
Si les personnes interviewées tendent uniformément à surestimer le tourisme de station comme pourvoyeur de postes de travail sur le territoire, elles sous-estiment, presque en contrepoids, bien d’activités presque invisibles, discrètes, expérimentales, mal comprises et parfois mal acceptées, que certains des nouveaux résidents lancent.
L’exemple de la Jolie Colo est saisissant : un groupe de jeunes actifs, parfois en reconversion, ayant des liens disparates avec le Vercors décide de se constituer en association et d’investir le bâtiment d’une ancienne colonie de vacances sur la commune d’Autrans, pour le restructurer, et y partager des espaces d’ateliers, bureaux, laboratoires et habitations, dans un cadre idyllique mais à proximité de la métropole. Ils installent des activités profondément ancrées dans le territoire, voire le terroir (une boulangerie, un laboratoire de transformation des produits du verger et des aromates), mais aussi des entreprises innovantes, sectorielles et pointues (comme l’atelier de production d’instruments de musique ethnique, ou le bureau d’études et de production de maquettes pour les musées et les expositions), qui n’ont en principe aucun lien avec le territoire, mais qui importent dans le Vercors des compétences et des postes de travail spécialisés et à haute valeur ajouté, en dynamisant toute un pan de l’économie et de la communauté locale. C’est le territoire qui a attiré les acteurs de la Jolie Colo, non pas le travail. Le travail ils l’ont emporté dans leurs cartons, et en ont crée sur place de surcroît. La Jolie Colo est aujourd’hui un petit pôle de développement, un catalyseur d’entreprises et d’activités.
De la même manière, La fabrique du ski, récemment implantée sur la commune de Villard, produit des skis en bambou haut de gamme pour une clientèle avertie, sensible à la qualité des matériaux et des technologies, prête à soutenir le made in France et à en payer le prix. Le déménagement de l’atelier de Saint Pierre de Chartreuse au Vercors, à l’été 2019, a été motivé par le fait que Villard «brasse toute l’année», dit le patron. L’entreprise, située sur la route pour la Côte 2000, gagne en visibilité localement, et à l’international valorise sa marque en la liant à la renommée olympique du Vercors, et sans doute s’attend à un joli retour d’image quand le resort de Tony Parker sera entré au régime, même si dans la maison on fait comme si de rien n’était.
L’échange de politesses est d’ailleurs réciproque : autant les marques ont intérêt à afficher leur ancrage dans le Vercors, autant le Vercors est valorisé par les entreprises dynamiques qui choisissent de s’y installer ; ou d’y retourner, car parfois les ‘néos’, de retour au bercail, sont plus anciens que les locaux.
L’atelier-boutique de maroquinerie Vercors cuir de Sophie et Sylvain porte le Vercors dans son cœur et dans son nom. Ce couple aux expériences foisonnantes, toujours prêt à de nouvelles aventures entrepreneuriales et humaines, nous accueille avec un optimisme volcanique, bien que le parcours rocambolesque de Sophie soit fait également d’échec et de déceptions. Revenue il y a une dizaine d’année dans la maison de sa grande mère, elle a appris, avec son romancier de compagnon, l’art de la maroquinerie, en partant de leur commune passion pour la randonnée à cheval, et du constat qu’il y avait un créneau à prendre dans la fabrication des sacoches de voyage. Aujourd’hui leur activité comprend la production d’un beau catalogue de maroquinerie et accessoires, tous fabriqués par Sylvain et Sophie dans les pièces de la maison de famille, d’où on a une vue spectaculaire sur le plateau du Vercors.
Très intelligemment, une banquette en bois invite les clients à profiter du paysage et du calme, autant que des sacs et des ceintures en vente dans la boutique cosy. Là aussi, les maîtres mots de l’entreprise, qui en fait vend surtout via internet, sont le soin du produit, les procédés respectueux de l’environnement et la qualité des matières premières : «les gens nous appellent pour nous demander où sont produits nos sacs, et savoir qu’ils sont faits ici, dans le Vercors, à main, leur suffit pour les acheter sans les voir, sans les toucher».
Aujourd’hui concentrés sur leur activité en pleine croissance, Sophie et Sylvain lui consacrent presque tout leur temps. Mais ils ont tous les deux une longue histoire de pluriactivité, de boulots plus ou moins petits, plus ou moins liés aux saisons agricoles et touristiques.
L’enjeu et la promesse de la pluriactivité sont bien connus dans les espaces de montagne, qui vivent depuis presque un siècle désormais en suivant et en accompagnant les flux touristiques, mais qui pour leur climat et leurs caractéristiques géographiques ont toujours vécu au rythme des saisons, avec les travaux des champs, les récoltes, l’artisanat, mais aussi les migrations vers les basses vallées et les villes, au gré des ouvertures et des fermetures de cols. Le phénomène des saisonniers n’est d’ailleurs pas né avec les sports d’hiver, mais est un trait caractéristique des rythmes de la montagne et de ses saisons très marquées par des occupations très différentes, et par les pauses qui les entrecoupent. Cette habitude à la saisonnalité a induit une diversification et une spécialisation des activités montagnardes, qui dans cette époque de transition deviennent un héritage précieux.
N’assiste-t-on pas d’ailleurs à un phénomène de repeuplement des montagnes, à un mouvement démographique égal et inverse à l’exode urbain du siècle dernier ?
Le contexte économique actuel, le changement climatique, l’évolution de notre société, avec la (re-)émergence d’une contestation radicale du système socio-économique en place, une envie de refonder le vivre ensemble sur d’autres valeurs ; et cependant l’attachement à certaines habitudes, à certains liens que l’on ne veut pas couper, à certaines logiques et à certains acquis technologiques que l’on ne veut pas remettre en cause, suggèrent que la fuite de la ville sous-entend le désir d’une évolution plus que d’une révolution. Cela favorisera la réinvention d’un territoire aussi beau, naturel, retiré du monde, et cependant si accessible ? La résistance, qui marque de son sceau le Vercors, ne serait-elle pas une valeur plus appropriée, plus digne et même plus efficace pour mener à bien ce projet que la résilience, un terme si à la mode, mais employé à tort et à travers pour finalement faire l’éloge de l’acceptation résignée des traumatismes subis?
L’histoire des territoires de montagne, bien au-delà de la rupture sanctionnée il y a plus d’un demi siècle par le plan neige, a beaucoup à enseigner sur le sujet : elle donne des clés importantes pour entamer le chemin du retour vers un équilibre entre l’homme et la nature, vers le respect de notre lieu de vie et de ses ressources, pour revenir au principe de non- gaspillage qui était la règle de base des communautés alpines traditionnelles, avant que l’industrie du ski ne vienne rompre le pacte patiemment négocié au fil des siècles entre les montagnards et leur milieu fragile. Après la fin de la deuxième guerre mondiale, l’accélération violente des évènements qu’on appelle progrès, modernisation, a fait oublier le temps long, et donné l’illusion d’une pérennité qui apparaît aujourd’hui comme probablement incidentelle.
Si donc, dans le nord du Vercors, le défi est aujourd’hui de faire vivre ensemble les différents habitants et de concilier les différentes choses qu’ils viennent y chercher, il faut identifier leurs ‘communs’, le dénominateur qui les unit.
Au delà des nuances et en dépit de l’attachement à certains projets qui seront inévitablement recadrés par les changements dus aux différents aspects de la transition en cours, les nouvelles activités touristiques qui commencent à s’imposer dans le Vercors et dans d’autres territoires de montagne comparables semblent d’ailleurs aller dans le même sens que les souhaits d’une bonne partie des habitants de la région. La baisse constante des heures consacrées à la pratique du ski en station, que l’on observe chez les touristes depuis plus d’une décennie, dégage désormais du temps et des énergies pour d’autres activités, même chez les personnes qui séjournent à la montagne principalement pour skier. Par manque d’affection pour la pratique ou par adaptation aux conditions parfois décevantes des pistes, les bronzés ne font plus (tellement) de ski. Il leur arrive de plus en plus souvent de ne rien faire du tout. Comme nous l’indique Didier Lalande, selon une récente étude commanditée par le Club Med’ sur les activités préférées des touristes en montagne (y compris hors ClubMed’), le 68% des personnes interviewées dit passer ses journées à ne rien faire, et renoncer même, une fois sur place, à certaines activités qui les avaient attirées en montagne. Ce repos absolu et décomplexé est tout de même, paradoxalement, une activité.
On parle de plus en plus, même en hiver, de «tranquillité active», une tendance qui s’était d’abord déclarée dans la montagne d’été, mais qui est un atout dans la perspective d’un redéploiement des activités hivernales dans le Vercors, quand il n’y aura plus assez de neige ou de froid pour soutenir une économie de station classique, fondée sur le ski alpin au moins cent jours par an. Dans cette montagne moins chère, les touristes voient la possibilité de se recentrer sur leur famille, de réunir les familles recomposées sous un même, grand toit, de pratiquer des activités pluri-générationnelles, mais aussi de se déconnecter, de se détendre sans devoir se justifier.
«On peut imaginer que le contexte économique favorise une quête de dépaysement à moindre coût», explique toujours Didier Lalande, qui ne cache pas son optimisme pour le Vercors qui, de ce point de vue, vante des atouts indéniables. D’autant plus si l’on considère la puissance de l’attachement émotif à un lieu connu, surtout au cours de l’enfance : par exemple à une station de proximité, où l’on a appris à skier. Ces lieux restent dans le cœur, et reviennent à la mémoire des jeunes retraités lorsqu’ils se demandent où ils pourraient se poser. De moins en moins de retraités optent pour la côte, trop chère, trop chaude. Le mouvement de migration des retraités se déplace vers le nord : ça a été le Luberon, puis la Drôme, et pour échapper à la canicule il va bientôt attaquer les montagnes. Les protagonistes de cette évolution touristique que le Vercors a tout intérêt à suivre de près, ne sont pas les Chinois, clients fantasmés par toutes les destinations touristiques, mais les Lyonnais, les Grenoblois, qui seront largement suffisants pour soutenir l’économie locale.
Thierry Gamot, maire délégué d’Autrans, président de Nordique France, juriste de formation et homme politique engagé et idéologiquement armé, croit beaucoup dans un modèle de développement touristique apaisé, pour tous. Fort de sa longue expérience de terrain, dans le privé comme dans le public, et de sa connaissance fine des mécanismes politiques, des jeux et des enjeux locaux et nationaux, il parle avec une grande clarté d’esprit. Comme Didier Lalande, il est convaincu que la pédagogie a un grand rôle à jouer dans l’éducation du goût des touristes. Il faut leur apprendre à aimer et apprécier telle ou telle activité, à s’attacher à l’une et se détacher de l’autre, sans perte de plaisir. Il chérit sans aucune naïveté l’optimisme des petits pas, et se réjouit à bon droit du développement extraordinaire des sports nordiques, moins dépendants de l’enneigement, cool, adaptés à toutes les tranches d’âge. Il a beaucoup œuvré au sein de la fédération pour ces résultats. Il croit fermement au succès des voies blanches, ces tracés enneigés, balisés, et plus ou moins compactés, que l’on peut parcourir à pied, avec des raquettes, des skis de fond, à vélo, car tous les touristes ne se sentent pas à l’aise sur les chemins forestiers, dans la ‘vraie’ montagne, sans croiser personne pendant des dizaines de minutes, voire pour toute la journée.
Ce que les stations de moyenne montagne doivent rechercher et cultiver sont des activités facilement adaptables aux aléas de la météo, qui seront de plus en plus grands, dans une tendance générale à la hausse des températures moyennes. La ‘logique de la cueillette’ (je prends ce qui s’offre à moi) est sans doute la clé du tourisme du futur, adaptable, opportuniste. « Il neige ? On va skier. Il pleut ? On va au cinéma, au théâtre, au musée, on fait du sport en salle. Une belle journée en plein janvier, mais il n’y a pas un centimètre de neige ? On va faire une randonnée, comme en été : les paysages ne seront que plus surprenants, mais pas moins beaux ». Et l’été, pourquoi pas oser le ski à roulettes ? Et le vélo, on peut en faire désormais toute l’année : en itinérance, en étoile, VTT, VTC, downhill, fatbike, ce n’est pas l’imagination qui est en reste. «Personne ne va à la mer en se demandant ce qu’il fera de ses journées. Etre à la mer suffit à les remplir. Il faut que les touristes arrivent à se dire la même chose quand ils partent à la montagne ». S’il n’existe pas à l’heure actuelle un modèle de remplacement intégral du ski, il faut multiplier l’offre d’activités, sans hésiter à expérimenter, pour que, toutes ensemble, elles couvrent le périmètre dégagé par une activité qui, à ces altitudes, est condamnée à être largement redimensionnée, voire à être tuée par son propre modèle économique.
La transition nous donne quelques années de répit, mais il faut bien les utiliser pour épuiser le modèle actuel, l’accompagner à sa fin sans encore investir des capitaux faramineux (largement mis à disposition par les finances publiques, et à fond perdu) pour le faire survivre : cela relèverait de l’acharnement thérapeutique, et nous en serions tous les victimes. Bien entendu, puisque tous les acteurs ne sont pas sur la même longueur d’onde dans ce territoire aussi divers, le problème se pose de la cohabitation de modèles de tourisme différents, d’aspirations parfois divergentes. Mais une ultérieure spécialisation des différentes zones du Vercors pourrait en fin des comptes ne pas être néfaste, dans une logique de transition. Selon Didier Lalande, le projet de la société de Tony Parker pourrait finalement aider à circonscrire une activité à fort impact écologique et infrastructurel, en préservant ainsi d’autres zones, où d’autres types d’activités, touristiques ou non, pourront se développer sans entraves. Le défi serait plutôt d’éviter la ghettoïsation des activités, pour faire en revanche en sorte que les différentes parties du plateau compensent leurs forces et leurs faiblesses, en coopèrent au développement de projets convergents et en évitant de se mettre en concurrence économique ou idéologique.
L’inertie des grands rouages, les logiques de l’économie des rentes, le poids des grands acteurs de l’industrie du ski, largement entremêlés aux grands corps de l’Etat, représentent un frein puissant à l’innovation, notamment à l’innovation par le bas, à l’innovation low tech. Les germes de ces idées et leurs fruits parfois déjà mûrs passent sous les radars d’un appareil trop gros, trop myope, trop paresseux pour les remarquer, ou trop intéressé à tirer profit du modèle existant.
Et pourtant, à des échelles comparables à celle du Vercors, des modèles alternatifs et gagnants sont déjà disponibles et imitables. Dans le Val Müstair, dans le canton des Grisons, au pied de l’unique Parc National de la Confédération suisse, on conçoit le tourisme non pas comme une entrée, comme un but en fonction duquel il faut adapter et contraindre la vie des habitants, mais comme une résultante de la construction du territoire, qui se veut le plus attractif possible d’abord pour ses habitants, et où tous se sentent bien : les touristes viendront tout naturellement chercher et partager ce style et cette qualité de vie. Certes, le fort nationalisme régional, le particularisme culturel et linguistique du rhéto-roman et l’attitude généralement peu incline à l’accueil chaleureux des ‘forestiers’ dans la vallée de Santa Maria explique en partie l’originalité de la démarche, qui ne contemple pas spécialement les migrants d’agréments.
Mais ce retournement spectaculaire de perspective incite à décomplexer notre regard sur le fait touristique et à renouveler notre arsenal conceptuel face à un défi climatique et socio- économique qui marque un tournant systémique.