Colloque
Colloque International « La montagne, territoire d’innovation »
Cité des Territoires - Université Grenoble-Alpes
Du 11/01/2017 au 13/01/2017
Quel devenir pour des régions de montagne en première ligne des changements climatiques et des relations des sociétés à la nature ? Entre diversité des désirs et crise des ressources s’ouvrent de nouvelles opportunités. Transition, alternative, reproduction, normalisation, marginalisation : les trajectoires sont multiples et ne se réduisent ni à des logiques de crise ni de banalisation. Elles invitent plutôt à observer comment les processus de changement et d’adaptation endogènes et exogènes transforment la montagne, tant du point de vue du milieu que des organisations ou de la symbolique et des significations : quel rôle des échelles locales et régionales (et de leurs articulations) dans l’innovation, quelles significations et visions de la montagne en jeu dans les évolutions, quels territoires issus de ces mutations ? A mi-parcours d’un programme de recherches pluridisciplinaires d’envergure, le LabEx Innovation et Territoires de Montagne souhaite mettre en débat ces questionnements, et ouvrir ses terrains d’études et ses thèmes à une confrontation théorique et empirique. Car au-delà d’une connaissance des dynamiques d’espaces singuliers, il s’agit de comprendre ce que ceux-ci nous disent de la dimension spatiale des processus de changement.
Du point de vue des enjeux socio-économiques, la montagne a longtemps constitué un territoire en difficultés, à l’écart des pôles de développement et nécessitant de ce fait des politiques spécifiques. Elle connaît aujourd’hui un développement dual, avec des zones dont la forte attractivité est à réguler et des zones en déclin économique sujettes à la précarité sociale. Elle invite ainsi à un questionnement sur ses capacités à impulser de nouvelles dynamiques de sortie de crise, et à mobiliser de nouvelles ressources dans un contexte post-industriel.
L’attractivité de la montagne est liée à ses aménités et ses spécificités environnementales, qui en font un espace au croisement des nouvelles demandes touristiques, résidentielles et écologiques. La qualité environnementale apparaît comme une ressource,- qui toutefois, souvent associée à un milieu fragilisé, demande d’instaurer des formes de régulation et de gouvernance adaptées. La montagne est de ce fait en avant-poste de la mise en place d’une société/économie/politique de la durabilité.
Du point de vue des enjeux climatiques, la montagne est particulièrement exposée aux effets du changement climatique. L’économie souvent fondée sur une mono-activité touristique augmente la vulnérabilité de certaines régions. Les spécificités du milieu naturel ne sont pas sans augmenter les risques liés au dérèglement climatique, pour les habitants mais aussi pour les régions environnantes : inondations, mouvements de terrain, fonte des glaciers, etc. La montagne représente de ce fait un observatoire du changement, mais aussi un possible démonstrateur de mesures adaptatives, préventives, protectrices ou correctrices.
Du point de vue des enjeux internationaux, la montagne constitue un objet reconnu par les communautés politiques et les instances scientifiques depuis plusieurs années. Cette construction politique connaît un nouvel élan autour de la stratégie macro-régionale qui met la montagne au cœur de problématiques politiques et territoriales à fort enjeu pour l’avenir de l’Europe : recomposition régionale, gouvernance des niveaux intermédiaires, articulations pôles métropolitains/espaces naturels, traversées nord-sud, etc.
La diversité et cette richesse des enjeux conduisent à considérer la montagne comme un espace laboratoire, où se posent avec une acuité particulière des problèmes sociétaux de dimension globale.
La question de l’innovation dans sa dimension territoriale, centrale pour le LabEx, vise ainsi à saisir les processus de changement et d’adaptation, en croisant temps long et temps court, dans une perspective multiscalaire et dans l’interdépendance des systèmes écologiques, économiques et sociaux.
Objectifs du colloque :
- Une compréhension et un éclairage des trajectoires d’évolution des territoires montagnards dans un contexte de mutation. Soit un champ large de questionnements sur l’adaptation au changement, dans l'histoire et en regard du changement global, sur le temps long ou les temps courts.
- Le poids des facteurs territoriaux. Les différents types d’innovation pourront être interrogés dans les ressources montagnardes comme dans leurs impacts locaux. Ils peuvent ouvrir sur une comparaison avec d’autres périphéries, notamment en termes de formes spécifique d’emplois comme la pluriactivité.
- Le rapport local/global dans ses dimensions politiques ou culturelles. La place et le rôle de la montagne dans l’innovation peuvent être pensés dans le rapport de pouvoir entre dynamiques exogènes et endogènes. Dans le passé, les innovations locales ont été souvent niées ou exploitées, que les apports dits « modernes » (tourisme, industrie) ont été pensés comme exogènes en minorant les apports endogènes. L’hypothèse de la montagne innovante demande de réinterroger le passé pour en montrer l’originalité et pour faire apparaître des formes de métissage complexes ou, à l’inverse, amène à interpréter les mutations locales au travers des inégalités spatiales et culturelles qu’elles engendrent.
- La question du changement interpelle les recompositions territoriales. Les mutations d’ordre global, souvent interprétées comme une perte de singularité, conduisent à interroger les enjeux ou les valeurs qui construisent le commun entre villes et montagne, les outils et les institutions qui permettent de gérer les espaces d’inter-relations et d’inter-territorialité. Le questionnement peut être élargi à celui du statut social et politique de la montagne dans sa globalité.
- On observe à l’échelle de l’Arc alpin des structurations qui dépassent les fragmentations anciennes (nationales), ou contemporaines (métropolitaines). « Montagnité » et « alpinité » fondent des mobilisations aux issues diverses et incertaines : réseaux d’acteurs sectoriels, de citoyens militants ou stratégie macro-régionale en cours… Ce foisonnement ainsi que cette innovation institutionnelle demandent à être analysés dans leurs différentes modalités et dynamiques.
- On constate des processus internes de spécialisation, anciens mais en recomposition, entre espaces dédiés à la nature, espaces touristiques à forte valorisation économique et espaces à « aménités faibles ». Une nouvelle carte de la vulnérabilité se dessine-t-elle, autour de « spots » de richesses qui attirent/génèrent une nouvelle précarité, des vallées qui offrent un refuge et des opportunités aux populations marginalisées et de zones de faible densité marquées par le vieillissement de leur population ?
- L’émergence d’un nouveau paradigme de développement, autour de la transition énergétique et écologique ou de la « troisième révolution industrielle » (J. Rifkin), interroge les atouts, les ressources et la place de la montagne dans ce modèle émergent. Les activités récréatives, l’économie résidentielle, les services écosystémiques, les nouvelles formes de pluriactivité, ouvrent de nouvelles pistes de valorisation. Dans le même temps, ils rendent compte de nouvelles grilles de lecture de la valeur des espaces. La vulnérabilité de ceux-ci aussi bien que leur valeur emblématique créent une urgence qui focalise l’attention. Les problèmes de mobilité, d’habitat et d’énergie, de risques y présentent ainsi une acuité particulière.
La question de la spécificité montagnarde apparaît en arrière-plan de ces différents points. Le rapport à l’environnement est-il particulier, du point de vue des contraintes, des vulnérabilités ou des ressources ? La diversité des réponses possibles engage le statut de la montagne dans la société de la transition : l’ancienne périphérie peut–elle devenir un espace d’un développement alternatif ? Cette position engage la territorialité des individus et des sociétés, dans les pratiques aussi bien que dans les imaginaires, les idéologies ou les émotions. La spécificité renvoie également au milieu naturel : le changement climatique prend-il là des formes particulières ? A-t-il un impact plus important sur les espaces périphériques, en raison des phénomènes liés à la pente, à la gravité ou à la circulation de l’eau ? Le bien commun que représente ici la montagne pourrait-il se transformer en menace globale pour les régions en aval ?
Des ateliers et sessions thématiques sont ouverts pour approfondir certains de ces questionnements. Ils ne sont pas exclusifs, et les propositions de communications pourront ou non s’y inscrire.
Liste des sessions thématiques :
- S1 : Transitions sociales. Pratiques et ressources en mutations
- S2 : Fonds de vallées et espaces d’altitude : relire la construction territoriale et les dynamiques de la valorisation foncière
- S3 : Les innovations sociales transformatives en territoires montagnards
- S4 : Labellisations territoriales : conserver l’héritage et innover ? La distinction à l’épreuve du temps
- S5 : Les espaces protégés de montagne, territoires d’interface entre science et gestion
- S6 : Montagnes et Métropoles, ressources périphériques réciproques ?
- S7 : Stations de sports d'hiver. Entre mondialisation et territorialisation, quelle dynamique ?
- S8 : Représenter la montagne. Des images et des cartes pour agir sur les territoires
- S9 : Sport et tourisme en montagne face aux changements socio-économique, climatique et technologique
Comité d’organisation :
Marie-Christine Fourny, responsable scientifique du LabEx ITEM ; Malek Bouhaouala, référent valorisation du LabEx ITEM ; Philippe Bourdeau, référent international du LabEx ITEM ; Arnaud Cosson (IRSTEA UR DTM), Christophe Gauchon (EDYTEM), Anne-Marie Granet-Abisset (LARHRA Grenoble), Amina Chbani, responsable administrative ; Vincent Rauzier ; Stéphanie Rouanet ; Sophie Tocreau